mercredi 29 décembre 2010

Parce que quand je n’ai plus d’issue, quand je me sens perdue, quand l’espoir disparaît – je n’ai que la possibilité de l’échappée, la possibilité d’oublier. Je dors pour ne pas penser. Je reste le plus longtemps possible à table avec mes parents. Je regarde des films fleuves trouvés sur l’étagère de dvds (Le Patient anglais). Je prends la voiture et je vais passer mes après-midis avec Noroise. Sur le trajet je roule vite, je veux n’être concentrée que sur la route, je tiens ferme le volant et j’appuie très fort, le moteur fait du bruit (j’imagine la Mustang Flashback GT ’67 de Steve McQueen), sur les routes de campagne où deux voitures ne se croisent pas sans ralentir je frôle les 120, je sais bien que c’est idiot, je sais bien que le jeu est dangereux, mais c’est la seule façon que je connaisse de me mettre en danger et d’avoir peur. Je ne suis pas un garçon, je ne peux pas me battre. J’aurais aimé être un mec juste pour me battre. Pour savoir ce que ça fait de mettre son poing sur le visage de quelqu’un. Pour sentir mon corps. Pour que sorte la violence autrement que dans les mots, les cris, les crises, les pleurs. C’est difficile et épuisant d’être une femme, d’aimer sans cesse à la folie, de ne pas connaître les demies mesures, de se sentir vidée à chaque rupture. Je passe d’un calme extraordinaire à des moments d’énervement et d’angoisse irréparables. Je dérape. Je pleure, je ravale mes larmes, je ris, j’éclate en sanglots. Une parfaite cyclothymique – j’ai cherché la définition exacte : CYCLOTHYMIE (n.f. du grec kuklos et thumos « état d’esprit ») anomalie ou constitution psychique qui fait alterner les périodes d’excitation (instabilité, euphorie) et de dépression (apathie, mélancolie). Avec toi la même chose : je me sens d’une douceur inouïe, j’ai envie de me donner, de t’attendre, de t’accompagner, de t’aider, de te protéger, de t’aimer – et soudain je t’en veux, je suis déçue, tu n’es pas à la hauteur, tu es désagréable, tu ne réagis pas comme je le voudrais, tu rentres dans mon jeu de la jalousie et de l’obsession, tu me tiens rigueur de ce que je ne contrôle pas et de tout ce que je déteste en moi. Je ne sais pas à qui va la faute ; cette situation est tellement compliquée. Je ne sais pas vraiment comment faire. Je ne sais pas comment l’amour devient amitié. Je ne sais pas si c’est même possible. J’y crois parce que nous avons tous les deux dit que nous voulions l’amitié de l’autre. J’ai relu tout ce que tu m’as écrit, nos trois mois d’amour dans des emails, j’ai tout relu et je ne comprends toujours pas pourquoi nous ne nous aimons plus. Je croyais qu’on s’aimerait malgré tout, je croyais qu’on s’aimerait même si la relation ne se réalisait pas. Il y a un mois encore tu disais : « j’ai hâte de te revoir mon amour ». Comment tes sentiments ont pu se retourner si vite ? Je n’en sais rien. Je ne comprends pas. Je subis. Je tais le désir, je tais le manque, je tais l’amour. Mes efforts en ce moment c’est ça. Ne plus dire que je t’aime. Ne plus croire à notre amour. Ne plus attendre. Ne plus espérer. Mes efforts ce sont d’abord ceux-là, et oui peut-être, trop souvent, j’ai des crises de jalousie, je deviens obsessionnelle, je cherche à tout prix à te retenir (alors qu’il faudrait laisser filer), mais je ne peux pas si tôt tuer tout l’amour que j’avais pour toi. J’ai besoin de temps, quand tu voudrais déjà que notre amitié soit parfaitement réglée, que jamais je ne m’inquiète. Il faut encore et encore que tu me rassures. Il faut que tu sois là. Il faut que tu me répondes. Il faut que tu agisses pour cette amitié. Je ne peux pas m’en sortir face à cette brutalité des sentiments, l’amour interrompu, l’amour éteint, l’amour interdit. Je crois aller plutôt bien, parce que je suis occupée, parce que les projets ne s’arrêtent pas, parce que j’ai l’énergie qu’il faut pour travailler, construire, réfléchir. Je vois mes amis, et j’ai l’air d’aller à peu près bien. Moi je sais que je suis rompue à l’intérieur. Je sais que je pourrais laisser aller et que je m’effondrerais. Je sais que je t’aime encore à la folie. Je sais que je suis au point de rupture. Je sais que si la fatigue lourde et permanente surgit – je plongerai. Je connais les abysses de ma tristesse. Je connais ces gouffres dont je ne ressors que difficilement. J’ai peur de sombrer. J’ai peur de ne pas y arriver avec toi, j’ai peur de perdre l’espoir, j’ai peur de tout abîmer, j’ai peur de ne pas réussir. J’ai tellement peur. Et il n’y aurait que tes bras pour me serrer et m’enlever ma peur. Mon amour, encore toujours mon amour. J’ai eu tellement confiance en toi. Je me suis tellement donnée, si vite, je t’ai tellement tout dit, j’étais là immédiate sans plus aucune protection, sans plus aucune retenue, j’étais là devant toi et je t’aimais et – tu m’as aimée, il paraît. Je ne sais même plus si c’était vrai. Est-ce que tu m’as aimée ? Est-ce que tu m’as aimée ? Dis, est-ce que tu m’as vraiment aimée ?

Je vais les faire les efforts nécessaires, je vais ravaler ma tristesse, mes angoisses, mon amour pas terminé, je vais tout rentrer en moi, ou plutôt tout exploser, tout faire jaillir, je vais l’éclater cet amour et je serai vide, je serai vide mais je serai prête pour autre chose avec toi. Cette semaine tout se joue : je n’écrirai pas, je ne parlerai pas, je resterai silencieuse jusqu’à ce que tu reviennes vers moi. Reviens. Reviens. Si tu m’oublies, je serai détruite. Comme dans la citation de Proust sur la première page de ton agenda. Notre chance est là : à moi de rester dans le silence, à toi de montrer que tu tiens encore à moi. A toi cette fois de trouver des mots, de re-sentir la douceur qui existait – le premier soir de juin, tu te souviens du premier soir de juin, est-ce que je l’ai écrit ça déjà ici, que tu étais venu à un rendez-vous anonyme, que tu ne savais pas que ce serait moi, que nous avions bu et encore bu aux Editeurs, que nous avions continué à la Soif, que nous ne pouvions pas nous séparer devant le métro, que tu tenais mes mains, que tu m’embrassais sur les joues sans te décider à partir, que tu mourais d’envie de m’embrasser vraiment ? Est-ce que tu t’en souviens de cette soirée là ? De toutes celles qui ont suivi… je t’aime, c’est si bête, je t’aime encore, je ne sais pas quoi faire, écrire, pleurer, crier, dire l’amour, dire l’amour, le dire à qui, tu ne l’entends plus, tu n’en veux plus, est-ce que j’ai le droit de t’aimer encore, est-ce que mon amour peut encore exister ?

Une fois encore, je te fais confiance. C’est toi qui vas décider. Je m’effondrerai ou je m’en sortirai.

Les après-midis, juste avant que la nuit ne tombe, j’ai passé des heures immenses avec Noroise, j’ai mis sur ses membres de l’argile, les mains dans la pâte grise humide, étalée sur ses tendons, j’ai mis des cotons et puis des bandes de repos, du goudron sur la sole de ses pieds et de l’huile sur ses sabots, j’ai mis les mains dans tout ça, dans les crins, dans les cuirs, dans la paille, dans l’eau, j’ai travaillé les têtes-au-mur, la longe en élastiques, les arrêts, j’ai parlé à Noroise, je lui ai tout raconté, et comme une folle gentille je lui ai dit mes secrets lorsque nous faisions le tour du Rouget, elle et moi à pied, elle avait de l’herbe plein la bouche et ses lèvres vertes dégoulinaient, je disais « ma belle ma chérie mon amour ma précieuse » et je lui murmurais qu’un jour tu viendrais, un jour tu la verrais. Ma jument me sauvera, dans tous les cas.

jeudi 23 décembre 2010


Je sais pourquoi. Je sais que lorsque tu m’aimais, tu pouvais partir avec tes amis dans de grandes maisons de vacances, tu pouvais partager ton lit avec une jeune fille, tu pouvais prendre tant de verres que tu voulais avec tes copines, je ne disais rien, je ne m’inquiétais pas, de quoi me serais-je inquiétée puisque tu m’aimais ? Puisque tu revenais toujours vers moi ? Puisque tu disais : « c’est toi que j’aime, toi que je désire, toi que je veux embrasser et faire jouir ».

Aujourd’hui, tu ne m’aimes plus. Et je passe mon temps à être jalouse. Des gens que tu vois, du temps que tu leur donnes, des mots que tu leur écris. Parce que j’ai peur de ne plus exister pour toi. Parce que je voudrais des preuves que tu tiens encore à moi. Il y en a eues, je sais bien qu’il y en a eues. Nous nous sommes vus plusieurs fois à Paris, tout un week-end à Londres tu m’as gardée près de toi. Il faut continuer à marquer ça, continuer à dire : « je tiens à toi, je ne veux jamais te faire de mal, je veux être là toujours pour toi ». Il faut le répéter interminablement, chaque jour. Me convaincre de ça, pour que je n’ai plus cette peur panique des autres, des ami(e)s, du temps que tu passes avec eux et pas avec moi. Il faut que je sache que nous adorons, pour ne plus être angoissée par la peur de te perdre.

J’écris chaque jour la même chose, c’est pathétique. Et pourtant je sais que je parcours dans le bon sens le chemin nécessaire pour sortir de la rupture. Je t’aime encore, mais je ne te désire plus. Tu me manques seulement parfois le matin dans les draps chauds. Je comprends certaines choses chaque jour. Je sais déjà que cette semaine je ne t’écrirai presque pas. Que je ne voudrai rien te dire, tant que tu n’auras rien dit. Je sais que je serai trop occupée pour ne penser qu’à ça (dans deux heures le grand plongeon dans les cours, les entretiens, les réunions, les soirées – j’ai pas envie d’y aller). Je sais que je te ferai confiance : pour m’écrire bientôt, pour qu’il ne se passe rien de ce qui m’effraie le week-end prochan. Je vais te faire confiance. Si tu me trahis, si tu me déçois, je ne me relèverai pas.

Hier soir je t’ai envoyé des mots doux, des mots qui murmuraient « rentre bien, take care, je t’aime, je pense à toi, je t’embrasse » – tu ne m’as pas répondu. Tu n’as même pas dit que tu étais encore à Paris jusqu’à ce matin. Tu n’as pas répondu. J’étais douce, pourtant. Tant pis, j’attendrai. Je suis une femme qui attend.

lundi 20 décembre 2010

Manifeste.


J’ai commencé à écrire l’année de l’hypokhâgne. J’avais 18 ans et j’écrivais au stylo plume dans un carnet Muji à couverture beige. Deux ans plus tard, je me suis attaquée à l’écriture en ligne. J’avais des amis qui écrivaient, qui tenaient des journaux en ligne (et jamais intimes). Je connaissais les risques d’avoir un endroit soi-disant à soi, alors que tout est exposé. Je savais que les lecteurs ne sont pas tous bienveillants. J’avais entendu parler des attaques menées contre l’écriture intime. J’ai créé un premier site que j’ai tenu à jour d’août 2005 (d’abord le carnet de la Sicile) à février 2007. J’ai arrêté pour des raisons pratiques (mon ordi a planté, je n’ai pas eu Dreamweaver sur le nouveau, je n’avais plus le temps de faire du html et le format d’un blog correspondait mieux à la forme que je voulais donner à mon écriture) et j’ai arrêté d’y écrire parallèlement à une rupture. Je voulais passer à quelque chose de neuf, dans ma vie comme dans mon écriture. J’ai alors ouvert le blog .. . et parce que j’écrivais depuis trois ans, parce que j’avais envie de donner mes textes davantage à lire, parce que je voulais partager et tisser des résonances, des correspondances, atteindre d’une façon positive ou négative des lecteurs par mon écriture et ma façon de ressentir le monde, j’ai commencé à diffuser l’adresse de mon blog. Pas à mes amis. Mais sur des cercles de bloggers, sur des sites de recensement, et même jusqu’à facebook. Sur mon profil facebook, il y a l’adresse de mon blog. C’est un choix mesuré, réfléchi, empreint du danger sous-jacent. Toutes les personnes que je vois chaque jour, en cours, sur des projets, à des soirées, ont accès à ce blog. Ce blog d’écriture personnelle, ce blog aux aspects intimes, ce blog d’invention également. Les mots réinventent. Les mots transforment. Les mots construisent une autre vérité, leur vérité propre, une vérité qui n’est pas réelle, qui n’est pas matérielle, qui n’est pas factuelle. Je sais que le danger consiste à ce que certains lisent ces textes dans l’espoir d’y trouver les faits, d’y reconstituer ma vie, mes relations, mes histoires amoureuses.
Plusieurs fois, j’ai été attaquée : il y a eu ce garçon qui me traitait ouvertement et publiquement de fille facile, expliquant que mon blog révélait tout et que ma réputation (quelle réputation ?) se confirmait dans mes textes en ligne. C’était sans doute un coup de bluff. Puisque dans mes textes, je fais très attention à ce que je laisse passer. Je sais à quel point une réputation peut gâcher quelques années d’étude. Je connais les limites. Je sais que je ne suis pas attaquable. Je sais qu’on ne peut rien dire d’autre que : j’aime les garçons à la folie. Il y a d’autres choses à savoir ? Des détails plus croustillants ? Oui bien sûr. Mes expériences sexuelles ? Oui bien sûr imaginez tant que vous voudrez, fantasmez, inventez. Il y a des choses cachées, il y a des secrets. Amusez-vous à les découvrir. Cherchez. Retournez bien tout mon passé. Mon « historique ». Je n’ai pas de réputation, je n’ai pas peur, les secrets ne sont gardés que par des personnes en qui j’ai confiance.
Et puis il y a eu cette nouvelle attaque, ce jugement porté envers l’amour que je vivais, une jeune femme qui croyait mieux savoir – mais mieux savoir par rapport à quoi ? Par rapport à ce qui paraissait dans mon journal ? Je le redis, ce journal est personnel. Il ne concerne que moi. Il n’est écrit que par moi. Il n’est pas objectif mais entièrement subjectif. Il s’inspire de mes ressentis, de mes sentiments, de mes sensations. Et une jeune fille qui me connaît à peine ose me dire que mes perceptions sont fausses ? Mais mes perceptions sont miennes. Mes perceptions m’appartiennent. Mes perceptions n’engagent que moi, pas la personne en face.
Enfin cet été, j’ai souvent écrit ma relation amoureuse nouvelle et extrêmement heureuse. J’ai beaucoup écrit l’amour, le désir, l’entente, les moments partagés. Depuis quelques semaines, j’écris la rupture, la déchirure, le sentiment d’abandon, la douleur, la colère, l’incompréhension. Toute ma relation avec lui semble là. Semble, seulement. Ce sont mes mots. Ce ne sont pas les siens. C’est mon interprétation. C’est ma voix unique, son point de vue n’a pas sa place sur mon seul espace de liberté, son droit de réponse n’existe pas. Je suis seule sur ce blog. Je suis seule à écrire et livrer une perception de la relation. Et pourtant, pourtant, certains ont osé venir chercher ici le fin mot de l’histoire ? Certains ont cherché à connaître son nom ? Certains ont voulu savoir s’il s’agissait de lui, ou de K, ou de je ne sais qui d’autre ? Mais vous n’avez rien compris. Vous n’y êtes pas. Mon blog ne sert pas à ça. Mon blog ne sert à rien. Mon blog n’est qu’un lieu d’écriture. Mon blog n’est pas un lieu de déballage. Vous voulez savoir ce qu’il en a été, ce qu’il en est ? Ecrivez moi, demandez moi. Ecrivez lui aussi, posez les questions qui vous obsèdent.

Les faits, vous les voulez ? Réjouissez-vous, léchez-vous les lèvres, et que ça bave, et que ça dégouline, je vais vous dire ce soir. Je vais vous dire que je l’ai rencontré en juin, que nous nous sommes aimés très vite, que nous avons passé des moments inouïs, des nuits inégalables, et que des choses très particulières nous ont unis. Je vais vous dire qu’il m’a aimée, qu’il m’a désirée, que tout était sincère, qu’il ne m’a jamais trompée. Je vais vous dire qu’un jour, il ne m’a plus aimée. Qu’un jour, son amour s’est atténué. C’était au début du mois de septembre. C’était le 9 septembre. Notre tendresse l’un envers l’autre est restée. Et puis il y a eu des crises, beaucoup de crises, depuis quatre semaines il n’y a eu quasiment que des crises. Mais la tendresse aussi toujours, et retrouvée, et là. Plus que tout, plus que tous vos ragôts et vos putains de conseils ne veulent le laisser croire, nous tenons l’un à l’autre. Et ça ne regarde que nous. Et vous n’avez pas à chercher les détails auprès de vos amis, ni au travers du blog. Demandez moi. Ecrivez moi, je réponds facilement. Je vous les donnerai les détails, et au moins ces détails seront la vérité. Ca vous empêchera de croire qu’il m’a trompée, ça vous empêchera de raconter tout et n’importe quoi. Lorsque je suis allée à Londres en septembre, nous n’étions plus ensemble de jour – mais encore ensemble la nuit. Trois semaines après notre rupture, j’ai été oubliée et remplacée. Aujourd’hui nous sommes séparés, et j’ai été quittée. Voilà, il faut que je le dise, que je l’écrive, pour que tout le monde soit content ? Il faut que je m’humilie à vous avouer ça pour que vous sachiez bien tous les détails, pour que vous soyez rassasiés ? Voilà, c’est fait. Et aujourd’hui nous sommes des amis. Je le respecte, je l’admire plus qu’il ne le sait, j’ai encore tant de choses à apprendre de lui au travers de notre amitié, je tiens à lui. A lui comme à mes amis intimes. J’accepte sa nouvelle relation, qui ne me regarde pas. Lui comme moi, n’avons aucun conseil à recevoir de qui que ce soit. Nous savons ce que nous faisons. Nous décidons de ce que nous faisons. Et là, nous croyons à cette amitié. Rien d’autre à ajouter. Les fais sont là, régalez-vous.

Je sais bien que personne n’a écrit quoi que ce soit et que ma réaction ce soir est violente. Je sais bien que ce ne sont que quelques rares personnes qui sont visées, quand l’essentiel des lecteurs a compris – qu’on lit mon écriture, pas ma vie. Qu’on commente mon écriture, ma perception, mon ressenti – pas ma vie. Mais tout s’est tellement dit. Tout s’est tellement su. Mal su. De façon déformée. Il fallait rétablir. Il fallait dire la beauté de notre relation, l’intensité de notre relation, la sincérité de notre relation. Il fallait dire la fin de notre relation, l’horreur et la douleur d’être quittée, et que je n’ai pas à avoir honte. Personne n’a le droit de salir ça. C’était là. Ca a existé. Autres temps, autres sentiments : il ne m’aime plus. Je l’accepte. Je prends, j’avale, je supporte, je survis. Les bruits, les murmures et les rumeurs me mettent dans une fureur qui me donne toute l’énergie de surmonter la difficulté. Je le dis, je le redis, je l’affirme encore et encore et encore et toujours : agressez-moi, mêlez-vous de ce qui ne vous regarde pas, trompez-vous dans la façon de lire mes textes – j’en serai plus forte, j’en serai plus déterminée, j’écrirai encore et encore et davantage, je transformerai la réalité dans mes textes comme je l’ai déjà fait, et comme vous n’avez rien vu, et je continuerai à écrire même ce qui dérange. Il n’y a que moi qui sache, et lui, et personne d’autre. En lisant mon écriture, vous ne savez rien.

vendredi 10 décembre 2010

La neige n’a pas bloqué seulement les routes, mais également les voies ferrées et les aéroports. Retards dans les trains, avions annulés… c’était vraiment la « pagaille » dans les transports en commun mercredi en fin de journée. La SNCF et la RATP ont fait état jeudi en fin d’après-midi d’un retour à la normale sur leurs réseaux. A Roissy comme à Orly, Aéroports de Paris (ADP) a annoncé un « retour progressif à la normale », signalant toutefois « des retards d’une à deux heures en moyenne ».

mercredi 8 décembre 2010

Le mot « patronyme », d’origine grecque, signifie « nom du père ». Il peut désigner deux sortes de nom différents :

* le nom de famille Page d'aide sur l'homonymie est un nom héréditaire qui se transmet de parent à enfant, en principe inchangé sur plusieurs générations ;
* le nom patronymique est, dans certaines cultures, le prénom du père d’une personne rappelé avec le prénom propre de cette personne (typiquement Xxx, fils de Yyy ou ben Yyy) ; il change donc à chaque génération.

jeudi 2 décembre 2010

Corps blessé.


Je voulais à tout prix monter Noroise ce soir. Pour penser à autre chose, pour m’occuper l’esprit. Je tenais à monter à cheval, et puis bon, ma jument je dois m’en occuper, que j’aille bien ou pas. Alors je suis allée monter malade, fiévreuse, fatiguée et sans voix. Sans force. Je n’arrive pas à manger le matin, le midi un peu, le soir encore moins. J’avais déjeuné vers 13h, pas assez sans doute. Je me suis retrouvée devant les obstacles en ayant faim, pas loin de l’évanouissement. Noroise a beau être douce et adorable lorsqu’on s’occupe d’elle – une fois sous ma selle elle devient impitoyable. Ou très intelligente. Les chevaux, lorsqu’ils ressentent le mal-être du cavalier, en règle générale s’adaptent et se montrent plus dociles. Noroise fait le contraire. Lorsqu’elle me sent faible, absente, elle n’a qu’une idée en tête : en profiter, jouer, reprendre sa liberté. La détente s’est bien passée. Lorsque les chevaux ont commencé à passer les barres, Noroise s’est énervée. Coups de dos à chaque fois qu’un cheval sautait. J’ai eu droit à une séance de rodéo, comme celles dont j’avais l’habitude l’hiver dernier. Je reste en selle maintenant, elle ne peut plus vraiment me faire tomber dans ces cas-là. Mais sur la première barre je suis mal arrivée, la foulée n’était pas bonne, le premier saut a été déséquilibré et Noroise a dérobé devant le suivant. Je n’ai pas suivi son écart. J’ai glissé devant contre son encolure. Je suis tombée, violemment, de très haut, de Noroise qui était lâchée en coups de dos dans le fond du manège. Je ne me suis pas fait mal mais j’ai pleuré immédiatement- c’était les pleurs de la rupture, de la douleur et du manque, pas de la chute. Je suis remontée, mon visage plein de sable. Je suis retournée sur les obstacles. Noroise n’a pas arrêté de dérober, et je n’avais aucune force pour la conduire, pour faire barrage à ses écarts. Dans mes bras il n’y avait rien. Mon corps trop léger ne tenait plus. Je tentais simplement de rester sur son dos. J’ai fini par sauter le premier obstacle, de l’arrêt. J’ai été projetée sur son encolure, je n’ai pas pu suivre le second saut. De tout là haut, de deux mètres peut-être, je me suis vue partir vers l’avant, la tête en premier. J’ai touché le sol et Noroise est passée sur moi. Je me protégeais de mes bras. J’avais ma bombe et mon protège-dos. Je ne pouvais plus me relever. Je pleurais et je ne voyais plus rien. Le bas de mon dos était douloureux. Je me suis remise debout, tout doucement, avec Céline qui m’accompagnait. Céline qui savait si bien que je ne dors plus, que je ne mange plus, que je crève de douleur. Je ne suis pas remontée, j’ai laissé Diane reprendre ma jument qui a très bien sauté ensuite.

Je voulais monter à tout prix pour oublier, pour penser à autre chose, pour retrouver ma jument. Ma jument folle, ma beauté irraisonnable, ma guerrière. Je savais que j’étais vide, exténuée, très faible. Je sentais les vertiges, le besoin de me nourrir, la force absente. J’ai voulu monter, pourtant. Je suis rentrée ce soir la lèvre éclatée, du sang plein la bouche. Maintenant ma lèvre est bleue et gonflée. J’ai des bleus, des traces de toutes les couleurs et de toutes les tailles sur une jambe. J’ai un muscle de la cuisse élongué. Surtout, j’ai eu le coccyx frappé tellement fort que marcher, m’asseoir, me baisser ou me pencher est une douleur. J’ai voulu monter, à tout prix ; j’ai voulu monter, pour oublier. Je me suis blessée parce que je n’avais pas la force, parce que je n’aurais jamais dû. Je suis rompue, ma lèvre saigne tellement que je ne peux pas manger beaucoup plus, je porte toute la fatigue de la semaine et des nuits sans sommeil sur mon visage – ce soir j’ai eu peur, j’ai eu peur en tombant, j’ai cru mourir. Et peut-être que je le cherchais.

lundi 29 novembre 2010

Concorde Atlantique.


Une nuit sur la péniche, une nuit sur la Seine, la robe légère sur le corps aminci, les jambes longues sous le voile clair et les très hauts talons – autour de moi partout il y a des gens que je connais, des amis, des gens avec qui rire, danser, échanger les verres de vodka – je me sens un peu de retour « chez moi ». le souvenir des soirées de l’an dernier où tout n’était que sensualité. Agathe me tient dans ses bras, Agathe me protège quand les garçons s’approchent, j’ai le visage lavé aux larmes mais cette nuit je fais comme si j’étais capable de reprendre le jeu du désir. il y a mes garçons, un peu perdus, mes garçons dont les épaules me rassurent, je laisse G. jouer avec ma peau, ma nuque et mes hanches, mais mes lèvres gardées intactes, mes lèvres protégées, je ne laisse pas les baisers se perdre. J’ai besoin de sentir le désir mais il faut se protéger aussi, il faut d’abord la reconstruction intérieure avant de me lancer à corps perdu dans – je ne sais pas, juste pas cette nuit, juste sourire et sentir la douceur, le désir, et puis avec Agathe en se tenant par la main nous sommes rentrées, sans mes garçons, seules et entières, heureuses et confiantes.

mardi 23 novembre 2010

Concorde Atlantique.


Une nuit sur la péniche, une nuit sur la Seine, la robe légère sur le corps aminci, les jambes longues sous le voile clair et les très hauts talons – autour de moi partout il y a des gens que je connais, des amis, des gens avec qui rire, danser, échanger les verres de vodka – je me sens un peu de retour « chez moi ». le souvenir des soirées de l’an dernier où tout n’était que sensualité. Agathe me tient dans ses bras, Agathe me protège quand les garçons s’approchent, j’ai le visage lavé aux larmes mais cette nuit je fais comme si j’étais capable de reprendre le jeu du désir. il y a mes garçons, un peu perdus, mes garçons dont les épaules me rassurent, je laisse G. jouer avec ma peau, ma nuque et mes hanches, mais mes lèvres gardées intactes, mes lèvres protégées, je ne laisse pas les baisers se perdre. J’ai besoin de sentir le désir mais il faut se protéger aussi, il faut d’abord la reconstruction intérieure avant de me lancer à corps perdu dans – je ne sais pas, juste pas cette nuit, juste sourire et sentir la douceur, le désir, et puis avec Agathe en se tenant par la main nous sommes rentrées, sans mes garçons, seules et entières, heureuses et confiantes.

jeudi 18 novembre 2010

L’honnêteté.


Sentir que l’honnêteté n’a pas été là. Sentir que toutes les réticences, toutes les résistances, tous les comportements inexpliqués venaient de là. Découvrir ce qui était caché, ou savoir seulement que quelque chose était caché – et ne plus pouvoir faire confiance. Lorsque j’avais fini par avouer à M que nous fréquentions le même garçon, j’avais été horrifiée par sa réaction. Cette violence, ce dégoût, cette impossibilité à me faire à nouveau confiance. J’avais beau dire – comment t’avouer, comment te dire la vérité, comment en deux mois trouver l’occasion, les mots, la motivation ? Elle avait raison de ne plus vouloir me faire confiance. Lorsque l’honnêteté a manqué, lorsque des choses fondamentales ont été cachées, lorsque des secrets ont longtemps été gardés, comment avoir confiance pour la suite ? Il a fallu du temps, il a fallu des mois, avant que la confiance ne revienne. A nouveau là aujourd’hui, mais est-ce exactement comme avant ? Je ferme les yeux et je laisse ma main à M pour me mener n’importe où, je suis aveugle près d’elle, mais ce n’est pas moi qui ai été abusée.

Je sais que les choses sont trop difficiles à révéler parfois. Je sais qu’on croit faire le moindre mal en laissant l’autre dans ses impressions, ses vérités, sans jamais détromper. Je sais à quel point l’aveu est difficile. Je sais la violence qu’il faut faire à soi-même. Je sais la douleur immédiate de l’autre qui reçoit la vérité. Mais il me semble pourtant, encore, que la vérité terrible et immédiate, qui vient comme une déflagration, vaut mieux que les journées, les semaines et les mois de malaise. Que la vérité vite avouée est une preuve de courage et d’honnêteté – alors que tout ce qui sera retardé, tout ce qui durera et s’éternisera, ne pourra rendre que plus forte la mise en doute le moment venu – « mais alors tous ces jours où ça n’allait pas, tous ces jours où le malaise régnait, tous ces jours de recul, de réticence, de résistance, tous ces jours ? l’honnêteté n’était pas là ? ». C’est tellement difficile ensuite de refaire confiance lorsque l’écart a existé. Le temps qu’il faut pour reconstruire, retrouver la confiance, céder à nouveau et se dévoiler. Je préfère la vérité brute, immédiate, sans précaution – à la vérité trop tardive, le doute qui s’est installé, la capacité qu’a eue l’autre à faire comme si, tout en gardant les secrets cachés.

mardi 9 novembre 2010

colère.


J’aurais aimé venir écrire plus tôt. Ca fait presque deux semaines, peut-être ? Je ne sais pas, le temps s’enfuit, j’ai l’impression de n’être qu’une passagère, je fais mille choses et tout m’échappe, rien ne se retient, je n’ai pas le temps de me retourner. J’avance tant que je peux en ayant parfois le sentiment d’être dépassée, le tapis sous mes pieds va plus vite que moi, je glisse, je me raccroche, je continue, j’essaie de rester debout.

Je suis sortie de la rupture. Il a fallu du temps, beaucoup de temps par rapport à celui que nous avions passé ensemble. Un mois de rupture, de discussions, de pleurs, d’incompréhensions, de cris et de jalousies, pour trois mois d’amour. C’est Jérôme qui m’a sortie de là. J’ai fait du chemin seule, j’ai fait du chemin en m’appuyant sur mes amies – ce sont elles qui pleurent aujourd’hui, l’automne n’est qu’un cimetière de coeurs blessés – mais je n’ai compris qu’en écoutant et réécoutant « la colère » qu’il y avait une alternative à la tristesse : la révolte. Lorsqu’on est abandonnée, on peut noyer la colère dans les pleurs et se sentir coulée, enfonçée, abattue, ne trouver le calme que dans le corps vidé de son eau, le corps même vidé tout entier, le corps inexistant. On tente la moindre démarche pour rattraper l’autre, le toucher à nouveau, lui faire comprendre notre douleur, lui demander de revenir. On s’agenouille, on s’abaisse, on se nie soi-même, on ne réclame que l’autre, on lui est toute entière donnée. Ou bien la colère peut se transformer en révolte, en une énergie qui redonne de l’élan, en un refus de la situation. J’ai été quittée – je ne vais pas non plus continuer à lui offrir un royaume, un royaume qu’il ne mérite pas, un amour qu’il a rejeté. Je veux dire que ça n’est pas acceptable. Que je ne peux pas me donner davantage avec l’espoir qu’il redonnera à son tour. Je ne peux plus donner à celui qui offre un mur. Je sais bien que j’ai la force, la foi, l’amour suffisants pour m’enfermer pourtant dans cette absurdité, je sais bien que l’amour ne s’éteint pas, que chaque jour je l’aime et pour des mois encore – jusqu’au prochain qui prendra cette place en moi – je sais bien que je pourrais l’attendre et tout supporter au travers de l’attente et de l’espoir. Jérôme m’a ouvert les yeux, Jérôme m’a mise devant la réalité – celle de la rupture, de l’amour qui ne circule plus qu’à sens unique, des forces que je perds à force de les donner – et dans la salle bruyante les mots couvrent tout, les mots me chavirent, les mots me blessent, les mots me plongent dans l’hébétude – « mon amour je suis partagé entre te protéger toujours quoi que tu fasses de moi dans cette vie de rêve, et la colère que tu me donnes de me laisser seul la nuit comme ça, j’oscille à ton égard entre la sainteté et la colère, mais je crois que j’aime trop la chair pour être canonnisé, et c’est ma colère, ma colère qui tient mes sourcils » – les gens autour parlent, dinent, rient, se sourient – je suis dans autre chose, je suis habitée, je suis bouleversée, la réponse enfin là se dessine – ce sera la colère.

Le lendemain dans un café de la rue Bonaparte, je suis défaite comme je ne l’ai pas été depuis longtemps – peut-être même que je n’ai jamais osé sortir dans Paris cachée sous tant de pulls et derrière mes lunettes de soleil, les cernes me rongent le visage, j’ai la peau blanche d’une fille anémiée, mes jeans sont trop grands, mes mains longues, transparentes aux veines allumées, les doigts comme des brindilles prêts à se casser net si personne ne les réchauffe. Jérôme dit que j’ai le visage de la Renaissance italienne, le visage allongé, la peau laiteuse, la fragilité marquée sur le corps entier, les muscles raidis, les jambes marquées d’ecchymoses, la peau coupée par la lame du rasoir, je me protège derrière mes bras repliés. Je parle un peu, je dis doucement, toujours doucement ce qui arrive, ce qui m’arrive, ce qui m’échappe, ce que je ne comprends pas, et Jérôme apporte des réponses, Jérôme me rassure et me donne accès à la colère, j’ai droit à cette colère-là, j’ai le droit de me révolter contre l’abandon, même si ça n’est pas sa faute, même s’il n’a pas voulu me faire ce mal – j’ai été tellement blessée. Je suis blessée chaque jour, je porte la douleur en moi, cette cicatrice que tout le monde a voulu voir, cette cicatrice qui se refermera aussi, si lentement, si imperceptiblement, mais qui ne s’effacera pas. J’ai eu mal dans ma peau, j’ai eu mal dans mon ventre, j’ai voulu tellement vomir, m’abîmer, me détruire, j’ai voulu supprimer ce corps qui n’était qu’une douleur, chaque matin se réveiller avec la douleur vrillée au ventre, alors peut-être il aurait mieux valu ne plus se réveiller.

J’ai repris pied. J’ai repris pied par la colère et par ce qu’il a finalement avoué. J’ai repris pied parce que ce que je croyais n’était pas totalement faux, parce que j’avais raison de croire aux sentiments fous et absolus, à la rencontre rare et unique. Je savais exactement la passion qui nous avait ravagés, je savais comme tu m’avais aimée, je savais comme tu étais devenu fou de moi – tu refusais de reparler des mois écoulés, tu répétais inlassablement que tu ne m’aimais plus – mais tu as fini par dire la vérité des sentiments partagés. J’ai cru parfois que j’avais été seule à me donner, seule à aimer, seule dans la folie de notre amour – non, tu étais là comme moi, tu n’en revenais pas non plus de cette rencontre exceptionnelle, tu n’en revenais pas des heures à parler ensemble et seulement m’embrasser pour que je ne puisse plus parler, et les nuits hors du monde, les nuits hors du temps, les nuits que personne ne nous volera, que personne ne reproduira, que personne ne connaîtra. J’ai cru que tu m’avais trahie, lésée, j’ai cru que tu lui offrirais bientôt la même chose qu’à moi, que rien n’aurait compté, que tout notre amour effacé – mais non, tout est vrai, tout a existé, et cette histoire nous appartient.

mercredi 3 novembre 2010

me perdre dans les bras des autres pour ne plus l’aimer


Se réveiller encore le matin avec le mal d’aimer, le manque omniprésent, l’envie de vomir. Mais je vais mieux. Sans lui je vais mieux. Le manque est épisodique, le manque réapparaît parfois, le manque se fait rare. Pour autant je ne l’aime pas moins. Je ne suis pas moins soucieuse et préoccupée de ce qui lui arrive. Je suis devenue indifférente aux faits, je ne sais plus ce qu’il vit, ce qu’il traverse, qui il rencontre, je ne sais plus et ça m’est égal. Qu’il vive, sans moi, que je vive, sans lui, que nous nous reconstruisions loin l’un de l’autre. Je garde en moi l’amour entier, l’amour ininterrompu, le souci de l’autre. Ne pas lui dire, chut. Ne plus rien dire. Je ne peux pas faire semblant de ne plus l’aimer. Mais je pars vers autre chose. Je souris aux garçons. La nuit vers Odéon je marche sans savoir où aller, Clem est avec moi, il m’engueule, il me secoue, il réapparaît parfois tous les quatre mois pour prendre des nouvelles, on marche dans les rues humides il s’énerve « tu es ivre, tu vas rejoindre ce type, vous allez boire de l’eau peut-être ? » je voudrais qu’il m’embrasse, non enfin aucun garçon n’a le droit de m’embrasser, je suis trop amoureuse encore, dans mon corps il n’y a aucun désir, mon corps est vide, mon corps n’est qu’un appât pour les garçons mais dedans il n’y a pas de force, pas de force pour aimer, encore moins pour faire semblant, je ne fais qu’attendre de retomber amoureuse. j’attends le prochain, j’attends le suivant, j’attends « que le hasard se bouge ».

J’ai laissé Guillermo me prendre dans ses bras, je l’ai laissé jouer, j’ai pris le réconfort dont j’avais besoin et je suis partie – combien de taxis la nuit, combien d’heures marchées sans savoir , combien d’heures dansées sans raison, dans l’abandon, sous les yeux des garçons, me perdre me perdre me perdre, m’épuiser jusqu’à oublier, jusqu’à ne plus sentir la fatigue la douleur. Et je dis que je vais mieux. Je vais mieux parce que je n’ai plus besoin de lui, parce que je décide de ne plus me battre, ne plus m’acharner pour continuer quelque chose dont je ne serai pas capable et qui me laissera toujours insatisfaite, je renonce – mais je suis juste encore si amoureuse. Je voudrais ne plus l’aimer. Je voudrais ne garder que le passé, ne plus l’aimer.

jeudi 28 octobre 2010

cette sale faute impardonnable.


Est-ce que c’est ma faute si j’aime ? Est-ce que c’est ma faute si je suis amoureuse ? Est-ce que c’est ma faute si je l’ai aimé plus que n’importe qui, si je me suis donnée à lui, si je n’ai plus su envisager ma vie sans lui ? Est-ce que c’est ma faute, nom de Dieu, est-ce que c’est ma faute et est-ce que c’est quelque chose qu’on peut me reprocher ?

Apparemment oui. Etre préoccupée de lui à chaque instant, c’est une faute. Penser à lui chaque nuit, c’est une faute. Attendre encore quelque chose de lui, c’est une faute. Lui donner encore quelque chose, c’est une faute. Mes appels, mes emails, sont devenus : du harcellement. Il y a deux mois, c’était des signes d’amour, aujourd’hui ça s’appelle du harcellement. Mon Dieu, mais quelle bêtise de l’avoir aimé. Puisqu’il n’en comprend plus rien aujourd’hui, puisqu’il nie et ignore mon amour, puisque je ne suis plus qu’une folle amoureuse dont il faudrait se débarrasser. Se débarrasser. Tuer l’amour.

Je n’en reviens pas, après chaque histoire d’amour, d’avoir été si proche de quelqu’un et de m’en trouver si vite éloignée. Nous nous comprenions parfaitement, nous avions une connaissance intime réciproque, nous avions révélé tant de choses. aujourd’hui, parler de la pluie et du beau temps, c’est déjà beaucoup trop. Aujourd’hui, je suis devenue une étrangère. Une fille qui ne mérite même pas de réponse. Une fille qu’on peut ignorer à son gré. Une fille forcément vicieuse, stratège, une fille qui ne fait rien sans avoir en tête l’idée de le « récupérer ». Je fais tous les efforts du monde pour aller mieux, pour espacer la communication, pour ne plus parler du passé, pour assurer simplement une présence douce et alliée – c’est déjà trop. Il n’y a plus qu’une étape après ça. Le silence. Le grand silence. Je ne suis pas une alliée, je ne suis pas une amie, je ne suis digne ni de respect, ni de considération ? D’accord. Je me souhaite bien du courage pour retrouver de moi-même une image positive, valorisante, pour croire que je pourrai encore apporter quelque chose à quelqu’un. Actuellement, je ne suis qu’une fille sans intérêt incapable de se contrôler. Une fille, même plus une femme.

dimanche 24 octobre 2010

A faire ou pas. Les bonnes résolutions, est-ce que ça sert ? On ne sait pas. Mais pourquoi s'en priver...
Waouh !

Des petits liens vers des blogs que j'aime bien, il faut cliquer si je ne m'abuse.

mercredi 20 octobre 2010

Oubli du corps.


Je sais il est tard je devrais dormir je ne devrais pas écrire. Mais arrivée à moment de la nuit je me dis que me coucher à 3h30 ou à 4h ça n’a plus grande importance. J’ai seulement envie d’écrire. Il fait froid dans mon lit. La lumière de l’écran fait ressortir la peau qui a la chair de poule. La peau douce. Ce soir j’ai vu par hasard mon épaule sans tissu dans une glace. J’ai regardé l’épaule. La peau dorée. La peau lisse. Je n’avais pas vu, pas regardé mon corps depuis tellement de semaines. Je l’avais oublié mon corps. Je vais devoir me le réapproprier. J’ai regardé la peau, la couleur, la sensation, l’épaule, la clavicule, les seins gonflés, les bras fins. J’ai découvert qu’à force de maigrir, j’avais juste l’air plus fine, l’air fragile, l’air d’une fille aux jambes longues et aux cheveux longs. La bague autour de mon doigt s’agite, l’anneau est trop grand. Pendant des semaines j’ai oublié mon corps, j’ai oublié de manger, j’ai oublié de dormir. Je mange à nouveau. Je ne dors pas plus. J’ai froid souvent. Je refume à nouveau et beaucoup, Dunhills courtes et light à filtre blanc. J’ai envie de passer une soirée à boire avec mon amour en vidant des paquets de cigarettes. On savait faire ça très bien. J’ai dans la tête les images de nous au Petit Suisse (politique et éducation), au Flore (« au fur et à mesure on s’embrasse de mieux en mieux »), au Vieux Colombier (famille, parents, l’appartement vers la Madeleine). Le premier soir nous étions allés aux Editeurs et à la Soif. Tout ce dont nous avions parlé. Toute ma vie que j’avais donnée. Tous les sourires, toutes les douceurs, et se quitter devant la bouche béante du metropolitain, ne pas s’embrasser, attendre le lendemain.

Je vis encore dans cet amour, c’est évident. On me parle du temps, du temps qui effacera, du temps qui mènera vers l’oubli. Comme au premier jour de juin, pourtant, je suis folle amoureuse. Loin de lui je peux rester des mois, et refuser tous ceux qui viennent, tous ceux qui ne parviennent pas à réveiller mon corps, tous ceux à qui j’oublie de répondre. Je suis encore donnée à mon amant. Je ne peux accepter personne d’autre. Ca n’annule pas tout ce que j’ai dit sur la colère, la tristesse et la douleur infinies du champ des possibles et de l’amour fou refermés ; je m’éloigne, je me reconstruis, je réapprends sans lui. Mais l’amour ne s’en va pas. L’amour réclame des semaines pour me quitter.

Et je m’endors.

jeudi 14 octobre 2010

Tender is the night.


C’est terminé. On est allés jusqu’au bout. Je l’ai poussé jusqu’à l’extrême limite. Détruire pour qu’il n’y ait plus rien, pour que l’espoir s’effondre, pour être forcée à trouver autre chose. J’écris ça encore ici, je n’écris que ma rupture sur ce journal depuis des semaines, peut-être que ça n’y a pas sa place. Mais je n’ai pas d’autre endroit où l’écrire. Et j’ai envie de crier ici, j’ai envie de m’exposer, j’ai envie de montrer comme on peut être belle et amoureuse et insouciante – le mois suivant seule et abattue, enfoncée dans la tristesse, les nuits sans sommeil, les vertiges permanents, l’envie de vomir. J’ai écrit tant de fois, partout, souvent, tout le temps, l’amour fou entre nous, les nuits éternelles, les corps mélangés, la vie impossible l’un sans l’autre – il y a l’autre versant. Il y a le côté lamentable, il y a tout ce qu’on n’ose pas avouer, le ridicule, le mépris, l’agacement, l’exaspération. Au matin le visage défait, la compassion qu’on attire à soi et ce regard est dégueulasse – l’amour fou un été et puis les insultes, l’irrespect, la colère, les mots plus hauts les uns que les autres. Ca n’est pas glorieux, ça n’est pas enviable, ni l’histoire d’amour magnifique, ni la rupture catastrophique à la suite, c’est juste une putain de dégueulasserie de la vie, et moi je suis enfoncée, je suis perdue, je n’existe plus, je ne me relève plus.

Il y a du thé vert dans ma tasse, des litres pour me remplir le ventre. Il y a « ce soir mon amour » toute la nuit en boucle. Devant l’armoire mes chaussures gris souris, celles que je portais le dernier jour où on s’est aimés, celles qui ont frappé les pavés de l’impasse des quatre vents. Quand j’ai joui debout contre un mur dans les rues sombres de Saint-Germain. Il y a le vide, le creux, le ventre fermé, l’envie de vomir, les notices de l’Avlocardyl dépliées sur la table de la cuisine. Mon corps est mort. Mon corps est trop vide. Mon corps ne vit plus. Mon corps ne ressent rien. La douleur parfois qui ressurgit, la douleur anesthésiante, mais rien d’autre. Le monde autour de moi, les couleurs, la ville, le soleil de l’automne, les lumières la nuit – rien, pas une émotion, pas de disponibilité pour ça, mon corps est fermé, mon corps n’a plus de sens. Les garçons – je les vois à peine, je les trouve fades, ils n’ont ni sa jeunesse, ni son exigence, ni son allure, ni sa beauté. Ils me regardent pourtant, ils me regardent traverser la rue trop fine dans mon jean, vacillante sur mes talons qui claquent dans la bibliothèque silencieuse, la dentelle noire en haut des seins, le ventre creux, les cheveux en cascade et mon corps perdu dans le long manteau noir. Même les filles regardent. Plus je suis triste, plus je suis en colère contre moi-même, contre le monde entier, plus la détermination se marque sur mon visage, plus je séduis. Et ça pour quoi ? Ca sert à quoi tous ces mecs qui regardent ? Quand il n’y en a pas un qui aura du courage, pas un que la folie n’effraiera pas, pas un qui ne fuira devant les exigences, la violence et la démesure cachée derrière la surface lisse et sexy ? Ils veulent l’apparence, ils veulent la chair extérieure, ils veulent prendre – aucun ne veut donner, aucun ne veut regarder à l’intérieur, aucun pour penser « je veux savoir ce qu’il y a à l’intérieur de cette femme, l’aider, l’accompagner, faire du chemin avec elle » – les garçons ont peur. Les garçons sont trop jeunes. Je parle de ceux qui sont autour de moi, de ceux qui préfèrent la facilité, les sentiments absents, je parle de Guillermo qui ne se préoccupe de moi qu’avec l’espoir qu’une nuit je me glisserai dans son lit. Où sont-ils les garçons qui s’engagent, ceux que l’amour n’effraie pas, ceux qui acceptent la passion débordante d’une femme sans limite, ceux qui ne débutent pas une relation en décidant qu’elle sera vouée à l’échec ? Où sont-ils ceux qui se laisseront porter par mon amour, ceux qui me feront confiance, ceux qui seront prêts à m’accompagner dans l’amour comme dans la tristesse, comme dans les crises, comme dans la panique et l’angoisse ? J’ai besoin d’un allié. Plus maintenant, plus tant que je me reconstruis, plus dans la solitude à apprivoiser encore une fois – un jour, un jour je voudrais trouver un allié.

2h, dans la cuisine il fait froid, la nuit s’étend devant moi et je ne dormirai pas assez. Cet après-midi je me suis endormie sur le canapé du local du BDA, je me suis calée entre les coussins, les manteaux, près de fx et de Cécilia qui surveillait, je me suis endormie comme une gamine épuisée. Je vais à l’école pour dormir. Je vais à mes cours et tout se passe à merveille, le projet défendu ce midi plutôt réussi, cette multitude d’engagements sur la Journée Dédicaces, Artmaniak, NonFiction, les textes à écrire, les personnes à rencontrer. Peut-être que ce sont des choses qui me gardent accrochée, des choses qu’on fait sans se poser de questions, mais il va bien falloir retrouver aussi les sensations, le corps engagé, le corps sollicité, les yeux ouverts sur les couleurs, les peintures, la ville – les livres, les films – le corps suffisamment solide pour accompagner ma jument. Seule, je dois me reconstituer. Reprendre possession de chaque parcelle. Toucher, voir, sentir. Il faut que mon corps reprenne son existence, qu’il se sente battre. Il faut ça avant de penser à m’ouvrir aux autres, avant de penser à quelqu’un d’autre. L’oubli de son corps à lui, et la reconstruction du mien. Lui et moi nous n’avons plus rien à nous dire. Plus rien à faire ensemble. Quelque chose peut-être à reconstruire, de zero, dans quelques mois. Je ne regrette même plus cette rencontre ratée, cette histoire saccagée, je ne regrette plus rien – quelqu’un qui est capable de m’abandonner, de refuser de m’accompagner, de fermer les yeux devant ses responasbilités, quelqu’un qui préfère me dire bien en face : « je ne te répondrai pas et je serai un salaud » – alors c’est quelqu’un qui n’a pas le courage que je réclame. Il n’y a pas de solution miracle pour que j’aille mieux, il n’y a pas à attendre que par simple décision je puisse me sentir mieux demain. Tout ce que je ne réussis pas, tous ces échecs, tous ces dérapages, c’est une douleur pour moi autant qu’une colère pour lui. Douleur et colère qui aveuglent. Je ne voulais pas perdre de vue les très belles choses à vivre encore, ensemble. Je ne voulais pas oublier la très grande beauté de l’amour fou partagé cet été. Ce soir j’ai effacé tous les espoirs, ce soir je l’oublie, ce soir il a dit que je lui faisais peur, que j’étais folle, ce soir il m’a totalement abandonnée. « Débrouille toi ma belle dans ta tristesse engluante, débrouille toi dans tes pleurs ininterrompus, débrouille toi parce que moi je ne veux plus reparler de ce qui fait mal, de l’abandon dans lequel je t’ai plongé ». J’aurais aimé avoir en face de moi un garçon qui assume.

Je suis vide. Je suis anesthésiée par la douleur. Je ne ressens rien. Même la fatigue ne m’atteint plus. Je cherche seulement l’appui qui me permettra de remonter, je cherche une raison, un motif, je cherche une envie de me battre, et à reconnaître mon corps.

samedi 9 octobre 2010

She’s lost control.



C’est tellement symbolique ce train à prendre, ce départ de la gare, les lignes de chemin de fer à suivre pour quitter Paris, pour quitter ma ville, pour quitter mon histoire d’amour. Je pars en me sentant enfin détachée. Pas indifférente ni méprisante, mais seulement sans vouloir continuer à me préoccuper de ses journées. De ses rencontres. De ses découvertes. Je pense à lui, je lui souhaite secrètement des choses merveilleuses, je l’espère heureux – et toujours je le défendrai. Mais je ne ressens plus le besoin de vivre des choses avec lui. L’angoisse du temps qui passe et qui ne nous rapproche pas, m’a quittée.

A Lyon Laura m’attend et me montre la ville – les rues piétonnes partout, les quais illuminés la nuit, les petites rues pavées et les antiquaires – je me laisse balader, j’aime bien cet inconnu et au hasard des rues, bien sûr je repense à la dernière fois qu’on m’a guidée dans une ville que je ne connaissais pas, of course London in my mind, mais je savoure le moment de marcher sur la presqu’île, le goûter chez » délices et sens », et puis au Cinéma National Populaire il y a Control – je suis les bons conseils d’Ulrich qui avait promis que je tomberais amoureuse de Sam Riley – pendant deux heures je regarde hypnotisée Sam/Ian, l’image parfaite en noir et blanc d’Anton Corbijn, Debbie la blonde abandonnée avec sa fille dans les bras, Annik la brune irrémédiablement amoureuse du chanteur de Joy Division – et religieusement j’écoute les chansons lugubres, funèbres, bouleversantes – je suis amoureuse de Sam Riley, de Joy Division, je veux l’adopter entre mes bras ce garçon, et je pleure quand Debbie comprend qu’il en aime une autre, et je comprends Annik qui ressent quelque chose de si particulier envers lui, et je retrouve ma fascination pour les garçons jeunes, les garçons fous, les garçons fins et violents et épileptiques – je regarde Sam Riley et je vois Henri – même jeunesse, même corps blanc, des cigarettes sans jamais s’arrêter – je vois le prince Mychkine, je vois Antoine si mal dans le monde – en lui je cristallise tous mes amours. En rentrant la nuit je n’écoute plus que Joy Division et la poésie noire qui me rassure, moi dans le creux de la nuit ça me rassure.

A Lyon j’ai aussi mangé des ravioles au Saint Marcelin et c’était une bonne façon de me remplir le ventre, avant de retourner danser – chaque nuit depuis jeudi, les salles remplies, la chaleur, les bras humides, les alcools, les cigarettes – les garçons aussi autour de moi, je les regarde, je ne sais pas trop, pas envie de faire des efforts, c’est tôt encore, mais c’est toujours trop tôt lorsqu’on a un amant dans le corps dans le coeur dans la tête, lorsqu’on est amoureuse encore – ce soir je passe des heures à m’approcher de lui, les sourires, les mains frôlées, les corps rapprochés – je le laisse m’embrasser, ou je l’embrasse, je ne sais plus, mon Dieu ce que j’aime le creux de sa joue quand il me sourit, et les regards complices autour de nous, mon Dieu qu’est-ce que je fais encore, il faudrait que j’arrête d’embrasser des garçons dont je ne connais pas le nom, mais je fais confiance à sa peau à son corps à ses mains sur mes hanches à ses lèvres et même à sa langue – c’est étrange de sentir à nouveau les mains d’un homme sur mon ventre, c’est agréable d’être embrassée et désirée sans penser trop à ce que cela représente – bien sûr je voudrai le revoir, bien sûr au petit matin lorsqu’on rentre chacun de notre côté il m’écrit déjà les mots que j’aime, bien sûr j’ai envie de ça, j’ai envie de lui et on rit comme des gosses qui ont un peu trop bu en se demandant si on trouvera un hôtel – cette immédiateté là ce que je l’aime – mais aussi quand je rentre je sais, avec toute la douceur et la tendresse dont je suis capable, que c’est encore à quelqu’un d’autre que je penserai au moment de dormir – penser seulement à ce qu’il est, à ce qu’il devient, espérer qu’il va bien et que la colère s’apaise.

Mon amour, je ne t’aime plus. Mais je suis là quelque part toujours, présente, enveloppante, rassurante – le jour où tu auras besoin, le jour où tu auras besoin.

samedi 2 octobre 2010

Sur le quai de la gare.


Dimanche 23 septembre, Waterloo Station : Henri m’accompagne jusqu’à la gare de l’Eurostar, j’achète du chocolat et je lui offre The Economist – ou autre chose – si ça peut lui faire plaisir – et puis il m’accompagne jusqu’au dernier moment – bien sûr je pleure c’est la dernière fois que nous nous voyons avant longtemps et c’est la dernière fois sans doute qu’il me prend dans ses bras – je pleure un peu et il me sert contre lui, très fort, des baisers sur mes joues et son regard plongé dans le mien – un baiser sur mes lèvres pour aller mieux, pour rentrer en faisant semblant d’être heureuse de ne plus être aimée. Aujourd’hui il ne me supporte plus, et il a sans doute de bonnes raisons pour ça ; j’aimerais retrouver un jour, mais le temps ne compte plus, la tendresse et le respect que nous pouvions encore avoir l’un pour l’autre le 23 septembre. J’aimerais qu’il lève les barrages et les résistances qu’il a voulu poser alors qu’aujourd’hui, aujourd’hui je suis enfin ailleurs, une autre ville, d’autres promesses, des espoirs neufs.

Dimanche 28 octobre, gare Lyon Part Dieu : c’est un garçon au sourire sans fin qui m’accompagne sur le quai de la gare. Je le connais à peine mais il tient ma main, il m’embrasse, il cherche mes joues mes yeux et mes lèvres. Je ne sais pas exactement ce que je ressens mais je suis bien près de lui, je voudrais rester et le couvrir de baisers encore et connaître son corps. Les grains de beauté sur son cou, et le col de sa chemise relevé pour cacher la marque violette que je lui ai faite cette nuit. Il me sourit, je lui souris, je suis sûre qu’on a l’air idiots.

jeudi 30 septembre 2010

Debout à la fenêtre.


Je suis passée ce matin entre deux averses sous ses fenêtres. La lumière de la chambre de sa soeur était allumée. J’avais l’image de lui penché à la fenêtre, me regardant, un soir de juillet, à peine rentré de Normandie, il m’attendait en fumant. Je lui parlais au téléphone en souriant depuis la rue. Un étage à grimper pour le retrouver.

vendredi 24 septembre 2010

Illusions des refuges.


Je trouve enfin le temps d’écrire. Dans ma chambre de petite fille, sous les combles de la maison, en écoutant Joy Division, Hooverphonic, Led Zeppelin and so many things else. Depuis une semaine je danse presque chaque nuit. Je fume, je bois du vin blanc, du vin rouge, du punch, des whisky coca, des litres de thé vert et des cafés après le déjeuner. Je me couche à 3, 4 ou 5 heures et je dors le matin. L’après-midi aussi entre deux cours, ou dans les trains. Je suis fatiguée, mais je crois que je suis heureuse. Je souris, en tout cas.

De Lyon je retiens les rues étroites et pavées, les ponts sur le Rhône, les petits restaurant cachés, les amphithéâtres romains, les chorégraphies de Sidi Larbi Cherkaoui et les images en noir et blanc de Control. Tout ce temps passé avec Laura à discuter en buvant du thé. Les lèvres d’un amoureux. En rentrant à Paris j’ai retrouvé des alliés, avec J nous avons pris un café – Dieu me pardonne d’avoir mis les pieds dans un Starbucks à Paris ! – et j’ai pu tout avouer, tout dire sans gêne, sans honte, sans paraître folle, sans être incomprise – deux jours plus tard c’est H que j’écoutais me dire la honte, l’humiliation, la violence de ceux qui ne nous aiment plus et qui sans s’en rendre compte brûlent nos coeurs, oppressent nos poitrines, font venir l’envie de vomir. Ces conversations sont lentes, compliquées, éprouvantes. Je comprends tellement ce qu’on me dit, je me souviens encore si parfaitement de chaque blessure, de la chair écartée, des mains qui creusent dans la plaie béante, de la douleur ravivée – et pourtant, les bords cicatrisent, la chair se referme très doucement, les rives se rapprochent. Il y a encore des larmes dans mes yeux, il y a encore quelques crises parfois – ce ne sont que des réactions à la violence, à la douleur, à l’égoïsme des garçons qui décident à notre place que les aimer est désormais interdit.

Lorsque je me réfugie dans les boîtes de nuit, les bras des garçons, les sourires que je connais par coeur – je sais que c’est une façon d’oublier, de me mentir et de faire illusion. Me croire belle et désirée alors que mon amant a disparu. Sentir les regards. Sourire sans la moindre innocence. Je sais que les heures passées à danser sont aussi une voie pour retrouver mon corps, sentir quelque chose, un mouvement, le corps qui s’exprime, l’énergie aussi que je mets à danser jusqu’à l’effacement de mes talons sur le sol, le défoulement. Mes garçons sont là, mes amies me protègent, rien ne peut m’arriver et je fais attention à moi. Je suis sur mes gardes, j’essaie de trouver le juste équilibre entre me protéger et aller de l’avant, je voudrais seulement éviter de faire n’importe quoi avec n’importe qui pour la fuite en avant, et tout à la fois je dois laisser une chance aux hasards. Cet après-midi mon jeune chéri dans les jardins du Luxembourg, je me sens bien et je souris et je me réfugie dans ses bras – mais je suis encore ailleurs, je ne suis pas entièrement disponible, je ne me livre pas. Peut-être que du temps doit passer, peut-être qu’il faut avoir confiance, peut-être lui donner une chance avant de tourner les talons.

Comprendre que l’amour fou n’est pas la norme, que les histoires exceptionnelles sont rares, que la passion ne peut pas exister tous les quatre matins ni à chaque coin de rue. Il faut recommencer les tâtonnements, il faut faire du chemin seule réconciliée et rassurée, il faut garder la disponibilité tout en maintenant la protection – il faut se battre, comme toujours se battre, se battre pour aller bien. J’aimerais simplement prendre des bains parfumés, faire des gâteaux au chocolat, lire le matin nue sous le drap et monter Noroise. Oublier les garçons, quelques temps, puisque je n’arrive pas à faire semblant d’accepter un autre corps que celui d’Henri. Lundi soir en faisant l’amour j’ai pleuré tout ce que j’avais retenu depuis des jours, ça n’était pas mon amant entre mes cuisses, ça n’était pas sa peau ni son corps ni son sexe – je ne peux pas faire semblant. C’est un autre que mon corps réclame, encore. C’est un autre pourtant que je ne réclame plus, qui ne me manque plus, à qui je n’écris plus – mon corps seulement n’est pas redevenu un champ libre, il garde l’empreinte de mon amant.

dimanche 19 septembre 2010

London calling.

London calling.


Assez de vouloir dire si je suis heureuse ou pas, si je vais bien ou pas, assez de ces mots là qui ne font pas sens, assez de vouloir savoir si je m’en suis sortie, ou pas – c’est tout à la fois, c’est un matin l’angoisse et un soir la légèreté, c’est un grand creuset en moi pour tout recueillir – la fatigue de toutes les nuits trop courtes, le bonheur immense de trouver autour de moi des alliés si rassurants, l’amour fou, le dégoût, la colère, l’angoisse violente. Je croyais aller mieux. Je disais : oui voilà je suis sortie de la rupture. Je me sens plus sereine. Je ne pleure plus chaque nuit. Nos crises se sont espacées, nous n’avons plus la force ni l’un ni l’autre de nous perdre dans ces affrontements. Mais hier soir dans la grande maison superbe cachée au fond de l’allée – indécente de tant d’élégance au coeur de Paris, à quelques pas de l’église d’Auteuil, chez moi il y a quelques années – j’ai senti que la vodka allait me rendre triste. J’ai senti l’énorme pieuvre de la mélancolie venir m’agripper le coeur, plonger dans la masse rouge pour attraper les fibres, serrer, presser, comprimer – j’ai fini par avoir tellement mal, et le regarder lui si jeune, la peau si claire, les cheveux si foncés, les mêmes remarques, le même humour noir, il parle de son ami mon amour à Londres, et moi ça me chavire, moi ça me blesse et c’est une lame de plus plantée dans mon coeur masse palpitante qui saigne saigne saigne – ça se referme parfois, ça cicatrise, et de mieux en mieux la plaie s’assèche, mais encore de temps en temps lorsque je vais trop loin dans les rires, lorsque j’ai les veines parcourues par le liquide sans couleur qui a brûlé la gorge au moment de tout avaler sans reprendre ma respiration, je sens la tristesse morbide s’amarrer et sucer ce qu’il me reste d’énergie pour faire semblant – alors je m’assois sur un canapé parmi d’autres, je regarde les catalogues d’expos posés sur la table du salon, Klimt, de l’art contemporain, et bien sûr je tombe sur le livre consacré à Monet, Whistler et Turner – à Londres le mois dernier avec lui j’ai vu les aquarelles de Turner, toutes les aquarelles de Venise, et personne n’a vu comme l’eau des aquarelles venait à mes yeux, dans le salon enfumé, rempli de rires, personne n’a vu.

Je me sens mieux et puis ce matin, en me levant à 6h45, j’ai senti les larmes dans mes yeux, les larmes du sommeil, celles qui gonflent les yeux. L’angoisse était là, revenue, tapie, je voulais ses bras pour me rendormir, son odeur et sa peau contre moi, je pleurais et j’avais mal dans la poitrine, lui lui lui que je voulais immédiatement pour me redonner confiance, pour me faire affronter la journée, tout de suite je lui ai écrit j’ai dit le mal la souffrance et il a été là, si doux, si parfait comme je l’aime, et je sais que je n’arrête pas de l’aimer, que si des choses sont abîmées parce que nous nous sommes fait du mal au travers de la rupture, mon amour ne s’interrompt pas. C’est terrible. J’aimerais qu’il y ait une solution, j’aimerais ne plus l’aimer, ne plus connaître ces crises d’angoisse, j’aimerais penser à mon amoureux en balade dans le Sud et ne pas attendre le retour de mon amour londonien – pourtant je le lui ai dit : peut-être que je n’arrêterai pas de l’aimer, peut-être que dans cinq mois je serai là encore plongée dans l’attente et l’espoir, mais quelle horreur, pourquoi est-ce que je ne peux pas accepter qu’il ne soit plus là, qu’il ne m’aime plus, qu’il m’ait quittée ? J’aime malgré lui, j’aime malgré moi, j’aime contre ma propre volonté et tout m’échappe.

Autrement, dans la nuit obscure de l’écriture, j’écoute Led Zep, Joy Division, The Clash. Oui d’accord j’ai Londres dans la peau. London is calling.

lundi 13 septembre 2010

Reprendre des forces.


Avec ma soeur on fait un concours de ressemblance : six années entre elle et moi mais le même jean straight, les mêmes pulls bleus en laine mérino, les vestes courtes évasées aux manches larges puis resserrées. Les mêmes cheveux très longs, seule la couleur change, et je crois que bientôt j’aurai encore envie de me teindre en acajou (c’est la même chose chaque année au mois de novembre). Je regrossis un peu, mon corps reprend les formes que je n’aime pas, mon frère trouve toujours que j’ai l’air sur le point de me briser, mais moi je sais que j’ai repris des forces. Des forces je suis obligée d’en avoir pour monter Noroise, demain matin je l’emmène à son premier concours. J’ai peur ? Oui sans doute, mais je ne le sens pas encore. Cet après-midi pendant trois heures j’ai préparé son filet, ses protections, j’ai natté sa crinière, graissé ses pieds, usé toutes mes brosses. Elle était tellement belle ma folle chérie, avec son alezan brûlant vif et soyeux, elle était douce elle m’écoutait parler pendant que je tressais ses crins, et puis elle a fini par ressembler à un vrai cheval de sport. J’aurai la peur nouée au ventre demain en découvrant le parcours, en montant la première sur son dos, en me lançant sur la carrière. Capable d’être tout à la fois si parfaite – si folle. Quand je dis qu’elle et moi nous ressemblons…

Je me sens un peu plus forte parce que la douleur passe, parce que mes amies m’ont portée à bout de bras pour que je garde la tête hors de l’eau ; maintenant je suis capable de rester seule à la surface – oh j’ai encore voulu me jeter par la fenêtre vendredi matin mais ce sont des crises qui s’apaisent vite, pour peu qu’Henri réponde encore présent – et je deviens le soutien de mes amies puisque l’automne s’acharne à détruire nos coeurs, il y a aussi les alliés récents et le désir marqué dans les yeux de certains garçons qui comptent – ceux qu’une petite amie retient, ceux que je connais depuis trop longtemps, ceux que je découvre au hasard des rencontres -, il y a tout simplement ce retour à la vie grâce aux projets, aux amis, aux rencontres. Ca ne remplace rien de l’amour perdu mais ça m’empêche très simplement d’y penser. Parfois la nuit je m’évade, je retrouve le souvenir de mon amour, l’impasse des quatre vents, la place Clichy – tu étais arrivé tellement en retard ! – le bain un dimanche matin après les pains anglais tartinés au beurre et à la myrtille, mon Dieu ces moments là que je voudrais revivre avec toi, cette obstination à vouloir te retrouver, ne pas être capable de te croire quand tu dis : « je ne t’aime plus » – oui j’avance et je m’éloigne et je construis seule – quand j’aurais voulu construire avec toi, jusqu’à céder une part de ma liberté – j’espère partir suffisamment loin de toi pour ne plus t’aimer lorsque je te reverrai, mais peut-être que ça ne sera jamais possible. Peut-être. Je n’en sais rien. Je me concentre sur le reste. Je place des espoirs dans la multitude de spores disséminées, je me fonds, je me disperse, je me divise – pour ne plus sentir la douleur concentrée, la douleur du ventre, la douleur de la peau.

lundi 6 septembre 2010

la fêlure.


aucun mot. silence. vide. ouate. murmures. fracas. bouillonnement. explosion. déflagration. liberté, retrouvée. renaître. vide, vide, vide. effacer ce qu’on ne veut pas garder. se souvenir du plus beau. de l’amour absolu. hors des conditions. vivre sans conditions. exubérance de l’amour. folie de l’amour fou. blessée. détruite. vidée. renaître. trembler. peau transparente trop légère. mains fébriles. corps. quoi, dans mon corps ? je ne sais pas. vide. les mots n’ont plus d’ordre. bousculade dans ma bouche. mots, langue, lèvres. Alix Cléo. Sylvia. vouloir mourir, non pas les cachets, ne pas les avaler, penser à Maman qui pleurera. lui il ne saura même pas. abandon. démission. douleur. tristesse. deux mois. perdue. douleur présente, diffuse, continue. folie. au bord du gouffre. rebord de la fenêtre. faire l’amour pour oublier c’était nul. alcool. sommeil. corps plus alimenté. courbatures. corps fatigué. petite fille. douleur. tristesse. mal dans le ventre, vomir, tuer la souffrance en se tuant. creux des nuits. tu m’ignores, tu m’aimes, tu me méprises, tu me crains, tu me respectes, tu tiens à moi ? souvenirs entassés, souvenirs éclatés, souvenirs en feu d’artifice, souvenirs pour survivre. la mémoire sauve. agripper le passé. quand plus de futur. vide. vide. vide.

il faut que j’écrive une lettre d’amour.

mercredi 1 septembre 2010

Mon amour.


Mon Amour,

Parce qu’il ne faudra sauver que ça, parce qu’il ne faudra garder que ça, et parce qu’on fait le choix de ses souvenirs.

Te souviens-tu mon amour de notre rencontre, du rendez-vous anonyme auquel tu avais eu le cran de venir ? Un soir de juin à Mabillon, tu avais été à peine surpris de me voir apparaître, nous nous étions engouffrés sur le boulevard, déjà le bonheur délicat et discret de se trouver ensemble. J’ai bu du vin blanc et toi du vin rouge. Tu m’as parlé du poker, de tes cours, du piano, de la musique classique, de ta rue, de ta famille, d’un voyage dans les Alpes, et je souriais sans cesse en te parlant de ma jument, de l’écriture, du violoncelle, et nos attitudes qui se ressemblaient tant, et tout ce que je commençais à aimer en toi. Mon amour. Tu avais l’exigence qu’on ne rencontre jamais chez les garçons si jeunes. Tu étais magnifique de ta jeunesse, et tu semblais tellement plus engagé qu’eux. Tu étais passionné, absolu, intransigeant, drôle, trop doué à cet âge là. Je n’en pouvais plus de t’écouter. La nuit n’aurait pas dû s’arrêter. J’en voulais à la nuit de nous séparer. Devant le métro tu ne m’abandonnais pas, tu tenais mes mains, et déjà l’impatience de se revoir le lendemain. Se quitter était une douleur.

Dans une cave sombre d’un bar où nous connaissions tout le monde – tout à la fois plus personne – tu m’as embrassée. Non. Tu as écrasé tes lèvres contre les miennes. Ta main est venue dans mon dos me faire ployer contre ta poitrine. J’ai cédé. Je me suis donnée. Immédiatement, j’étais donnée, j’étais tienne, j’étais sans liberté, j’étais ton amante, ton amoureuse, ta femme, ta chérie, je n’existais plus que dans tes bras. Tu m’as suivie, avec ta belle confiance tu m’as suivie, au travers des metros, ta veste de velours et mon trench trop grand. Dans mon appartement. La porte refermée. Tes mais me cherchent, tes mains me déshabillent. Tes mains dégraffent mon soutien-gorge. Tes mains caressent mes seins. Jusqu’aux draps, jusqu’à ton corps allongé sur le mien, ta langue en moi et mes mains sur ton sexe, ton sexe qui vient en moi, la première fois que tu découvres mon corps, tu jouis si vite en moi et je t’aime, à la folie je t’aime, je ne veux plus jamais la séparation, mon corps est sous ton emprise, je n’en peux déjà plus de tant t’aimer, je suis heureuse je déborde d’amour et je tiens ta tête sur ma poitrine, et je te caresse mon amour, et lorsque je m’endors tu me regardes avec mes yeux fermés mon visage reposé ma béatitude de femme amoureuse et aimée. D’autres fois dans ce lit, lorsque nous revenions de la place Clichy, ce lit où nous apprenions l’amour ensemble, l’amour unique que je ne partagerai plus jamais, l’amour comme une découverte, et tes mains qui ont appris mon corps par coeur, tes mains qui m’ont fait jouir, ton sexe dans ma bouche, et tes lèvres dévorées, ta nuque adorée, ton corps entier embrassé, ta peau blanche blanche blanche et je te trouvais si beau. Aujourd’hui encore sans t’avoir vu depuis deux mois, je me souviens de chaque morceau de ta peau, et je t’admire, et je te désire. Puissance des souvenirs.

Un soir je suis venue te retrouver à Saint Germain. Nous étions seuls à partager ton appartement. Nous y avions déjà fait l’amour un matin alors que ta soeur se trouvait dans la pièce d’à côté. Mon Dieu. Tu étais aussi fou que moi mon amour. Le samedi soir tu m’attendais en fumant, tu m’as déshabillée, tu m’as entraînée vers le lit de tes parents, tu m’as fait l’amour tant de fois, j’aurais pu être évanouie dans tes bras, j’étais perdue, perdue en toi, amoureuse, tellement amoureuse, je ne voulais plus jamais te quitter. La douleur de se séparer à chaque fois. Les pleurs le 13 juillet parce que tu ne répondais pas. Les pleurs de te savoir parti en Normandie. Je ne supportais pas ton éloignement. Je ne supportais pas tes silences. Tu repartais à 6h du matin, je t’écrivais à 6h10. Cette nuit dans le lit de tes parents j’ai aimé à la folie ton sexe qui entrait, venait, se retirait, me reprenait, l’amour fou, l’amour fou, comme je t’aimais. M’endormir dans tes bras. Epuisée de tout cet amour. Tu as voulu me réveiller, encore, plus tard, tu traînais dans ton appartement et moi je dormais, tu as voulu me réveiller mais je dormais et tu m’as laissée dormir occupé à me regarder… Dans le lit on a tellement ri. Le matin ? Tu m’as emmenée petit-déjeuner dans la cuisine. Cuisine froide, vide, mais tu étais là, tu faisais chauffer le thé – thé vert volé à ta soeur -, le café, et des pains anglais, et du beurre, et de la myrtille, et bêtement tu faisais des tartines et je te regardais et je t’aimais et je mangeais mes tartines. Tu m’as déshabillée à nouveau. Le gilet, la nuisette. Nue à nouveau, tes bras, me reprendre, m’aimer, me désirer toujours. J’ai pris un long bain. Je me suis ébouillantée. Peau rougie. Nous sommes allés déjeuner au Vieux Colombier. J’imaginais déjà que nous habiterions ensemble, l’an prochain, dès ton retour, à la Madeleine. Je voulais rencontrer ton grand-père. Mon Dieu, ma vie était là offerte, donnée, je ne m’appartenais plus. Folie.

Lorsqu’on dînait chez Al Dente, tu commandais du prosecco et tellement de vin que je disais plein de bêtises. Tu n’écoutais pas, tu m’interrompais en m’embrassant. Tu regardais mes lèvres, mes seins. Tu étais fou de moi. Tu rentrais et tu écrivais : mon amour, je tombe amoureux de toi, c’est trop parfait, je ne peux pas parce que je m’en vais. Mais j’avais tellement confiance en nous. Tellement confiance en notre amour. Quelle importance que tu t’en ailles à quelques heures de train, je m’imaginais venir chaque mois, te retrouver, t’aimer, t’apporter le bonheur de notre amour, t’accompagner. Tout me semblait facile, évident. Je n’ai jamais vu la difficulté. Je ne comprenais pas tes réticences. En sortant du restaurant dans la rue devant les flics on s’embrassait, on passait nos mais sous les pulls, on se touchait, tu écartais mon soutien-gorge, tu déboutonnais mon jean. En pleine rue, mon amour.

Au tout début de septembre, tu es venu à Paris. Je portais la robe rouge en laine. Les chaussures gris souris à très hauts talons. Je t’attendais devant l’église de Saint Germain. J’attendais mon amour, la seule personne que je verrais parmi la foule, la seule personne à habiter mes yeux, à peupler mon existence. Tu remplissais mes jours, mes nuits. Tu es arrivé en traversant le carrefour, ton costume parfaitement coupé, la chemise à rayures bleues et blanches, l’élégance insolente de tes dix-neuf ans, nous avions l’arrogance des amants, le monde à nos pieds, nous avions l’impertinence que donne l’amour, nous étions seuls à Paris, seuls dans la ville, seuls dans les cafés, nous étions amants. Tu m’as emmenée au Flore. Je refusais d’y mettre les pieds. J’ai adoré y boire du vin blanc, du thé glacé. Tes yeux dévoraient mes seins. On fumait des Dunhills, des Lucky, on fumait tout le temps et on adorait ça. Dans l’impasse des Quatre Vents, tu m’as appuyée contre un mur, tu as ouvert mon jean, relevé ma robe, tu as glissé ta main et je me suis évanouie de toute cette jouissance. Je tombais dans tes bras. Tu me retenais, tu murmurais « ma chérie ». Ta chérie, oui. Je ne vivais plus que pour toi. Alors quand tu m’as quittée, je ne vivais plus.

Je ne vivais plus, et je ne sais pas si je vis à nouveau. Il paraît que oui. Il paraît que l’amour n’est pas tout. Il paraît que je ne dois pas me laisser abattre. Il paraît que je dois être forte, avoir confiance, laisser le temps faire son oeuvre. Moi je ne me sens plus exister, mais d’accord. Je ne me remettrai jamais de l’amour disparu, du plus bel espoir de ma vie réduit en morceaux, détruit pour une raison qu’on ne connaîtra jamais. Le champ des possibles s’est refermé. J’ai été heureuse à l’infini ; je ne le suis plus du tout. Je suis triste, j’ai mal, je t’aime, tu n’es pas là, tu es absent.

A Londres encore, alors que soi-disant tu ne m’aimais plus, alors que tu m’avais quittée, alors que tu étais gêné par le moindre frôlement de mon genou contre ta jambe – tu m’as fait l’amour comme personne ne connaîtra jamais. Ton sexe dans ma bouche, ta bouche entre mes jambes. J’ai bu ton corps entier. La jouissance dans ma bouche. Qui saura ça, qui saura un jour la jouissance de toi en moi, qui saura le plaisir innommable, l’abandon indicible, le désir irrépressible, la perte en toi ? Et tu ne m’aimais plus ? Tu m’aimais. Tu avais peur de mon amour fou mais tu m’aimais. Tu me déshabillais. Tu voulais mon corps. Tu dormais encore, et ton corps me réclamait. Ton désir appuyé contre moi dans les draps le matin très tôt, malgré toi tu me voulais. Ensemble nous avons marché dans Londres, regardé les Rothko et les Newman, mangé des machins caribéens et libanais, ri avec Silvia et Feder, et je crois qu’on s’aimait. Je crois que le souvenir de ce moment de l’amour ne s’effacera jamais. Que tu ressentiras toujours cet amour comme je le ressens. Je pense aussi aux conversations la nuit, les conversations écrites, celles qui nous faisient jouir quand la distance nous séparait, quand je réclamais ta bouche sur mes seins, ta main en moi, tes lèvres, ton visage, tes cils plus longs que les miens, ta bouche rouge, ta peau blanche, tes hanches marquées de stries plus claires, ton ventre fin et creux, ta poitrine pour y dormir, tes bras pour m’y engouffrer, mon amour tu me manquais tant, mon amour j’étais hystérique la nuit sans toi, et je te voulais, je te réclamais, je voulais te rejoindre.

Dans ton ordinateur il y a des photos de moi nue. Au pied de ton lit il y a Le Rouge et le noir. Quelque part une lettre de moi. Dans ton agenda, j’ai marqué chaque date importante. La lettre porte mon parfum que tu respirais en fermant les yeux. Et moi je me souviens encore de l’odeur de ta peau. Je regarde chaque homme en pensant à toi. A l’élégance et à l’exigence qu’ils n’ont pas. Au regard qu’ils me portent et qui n’égalera jamais le tien. Je vivais dans tes yeux. Je vivais dans notre amour. Tout le reste venait ensuite, légèrement, simplement, tout le reste suivait. Je t’aimais, tu m’aimais, rien ne pouvait nous arriver. J’étais inatteignable. J’étais intouchable. J’ai oublié que l’attaque pouvait venir de toi.

Mon amour, tu as été le garçon le plus exceptionnel de mes années d’amour. Tu as été le dépassement des idéaux qui me nourrissaient. Tu as été ma plus belle passion. Ma vie, mon amour, ma douleur. Je t’ai aimé, je t’aime encore, je serai toujours ton amoureuse, ton amante, la première femme à t’avoir aimé. Je ne me sentirai jamais appartenir à quelqu’un d’autre. Je n’appartiendrai plus à personne. Je me suis donnée à toi, et tu ne m’as pas rendue à moi-même. J’écris des choses folles, je suis folle, folle de toi, je suis névrosée si tu as envie de prononcer ce mot-là. Je sais que je ne fais que t’aimer.

Parce que je t’aime mon amour, je te laisse t’en aller. M’abandonner. M’ignorer. Je te laisse tout emporter, tout détruire, je te laisse mon bonheur pour que tu trouves le tien. Je te laisse m’oublier et être heureux au travers de cet oubli. Tant pis si je suis triste pour toujours, si je n’oublie pas ton corps, si je rester marquée au fer rouge par toi et ton amour. Tant pis. C’est mon dernier don pour que tu sois heureux. Mon amour. Personne ne t’aura jamais aimé comme moi. Je resterai la seule à t’avoir aimé. Je suis l’amante éternelle du sommeil et des souvenirs que l’on n’effacera pas.

vendredi 27 août 2010

L’éternité, et un jour.


J’ai relu la lettre de lundi, la lettre d’amour. Je l’ai relue et je me suis aperçue que voilà, j’ai pris de l’altitude, de la distance, que j’ai commencé à mettre à l’écart les sentiments fous qui aveuglent et à reprendre possession de mon « intelligence ». De ma liberté.

La lettre est sincère. La lettre a été un acte bouleversant. La lettre engage chaque gramme de ma chair, les mots me brûlent encore le ventre. Mais j’ai écrit des choses absurdes. Des choses de femme amoureuse. Des choses qui n’ont aucun sens, des choses qui nient ma liberté et mon indépendance, des choses qui vont à l’encontre de mon émancipation et de mon affirmation. Ecrire que je ne vivais plus sans lui, c’est extrêmement vrai et sincère pour exprimer ma douleur le jour où il n’a plus été là. Plusieurs fois, lorsqu’il a dit ne plus m’aimer, je ne me suis plus sentie exister. Je ne « vivais » plus. Pourtant cet été j’ai été en permanence heureuse, enthousiaste, investie dans plusieurs projets. Je ne vivais pas « pour lui », je vivais pour moi, je vivais simplement portée par l’amour qu’il me donnait. Les mots que j’ai employés peuvent dessiner une dépendance à l’autre, une incapacité à avancer sans lui. Alors que j’ai rarement été si engagée et efficace que cet été. Je vivais seule, puisque qu’on vit toujours seule. Mon amant était rarement là. J’étais libre, autonome, et amoureuse. Très amoureuse. Mais notre relation n’a rien eu d’étouffant, d’aliénant, d’infantilisant.

Tout ne s’est pas arrêté lorsqu’il m’a quittée. J’ai continué chaque projet. Je n’ai rien abandonné. Tout ce que j’ai écrit concerne uniquement le champ fermé de notre relation. L’état de mes sentiments amoureux. Qui souvent ont pris le dessus, qui m’ont fait négligé le reste, mais il y aurait eu tant d’autres choses à écrire qui se déroulaient avec bonheur, avec énergie, avec disponibilité. Parfois la douleur amoureuse prend le pas : parfois j’ai voulu mourir – j’oubliais toutes les joies étendues devant moi. C’est lorsque l’autre s’en va qu’on constate le lien, l’attachement, la participation de l’amour dans le bien-être quotidien. C’est là que le monde s’effondre, qu’on s’enferme dans des regrets, des remords, dans la tristesse de la femme abandonnée. Lorsque O. m’a écrit pour me rappeler ces choses, lorsqu’elle m’a dit : reprends le dessus, retrouve ton intelligence, je me suis sentie blessée. Je voulais qu’on me laisse l’expérience et le temps de la douleur, de la tristesse, de la souffrance. Je voulais « vivre » ça, ma tristesse, la fin de mon histoire d’amour. Aujourd’hui, je retrouve autre chose. L’intelligence et la capacité de réfléchir, de raisonner cette relation. Nous nous sommes aimés. Il n’a plus voulu de notre amour. Il m’a quittée. C’est tellement simple, finalement. Bien sûr je serai déçue et abîmée éternellement par ce que j’ai perçu comme un « échec », un inaboutissement, une interruption brutale et sans espoir de renaissance. La décision m’a échappée ; il ne suffisait pas d’aimer. Il ne suffit jamais d’aimer. Il faut la rencontre, il faut vouloir aller dans la même direction, il faut une concordance rare. Cette fois nous sommes passés l’un à côté de l’autre. Et d’autres fois encore je passerai à côté d’amants superbes, d’amours fous, d’histoires exceptionnelles.

Je suis blessée par l’abandon et par l’inachèvement, mais pour la première fois je ne demande plus : pourquoi ? comment ? Je laisse couler. Je laisse le temps passer. J’attends, oui j’attends encore, mais sans limite, sans date, sans échéance. Je sais qu’un jour il reviendra. Je sais qu’il m’écrira. Je sais qu’il pensera encore à nous. Bien sûr j’aimerais que ce soit vite, j’aimerais m’atteler à la reconstruction de notre amitié, j’aimerais trouver quelque chose de nouveau au travers de l’amitié immense et intime. Mais le temps passera. C’est lui qui décidera. Lui qui m’écrira, qui m’appellera, qui me proposera d’aller prendre un café au Vieux Colombier ou un verre de vin ailleurs. Je lui fais confiance, encore, malgré tout, j’ai confiance dans sa tendresse et son respect. Le temps ne compte plus entre nous. Nous avons gagné l’éternité.

samedi 21 août 2010

En perdition.

Il est 2h, je crois. Je me lève à 6h45. Il faudrait que j’écrive mon exposé d’allemand. J’écris, je bois du thé vert, je lis. Ca a l’air très bien Le Canapé rouge de Michèle Lesbre. Le jour où je créerai ma maison d’édition, je ferai des livres aussi jolis que ceux de Sabine Wespieser. Et je publierai les textes de Jérôme. Et des textes de femmes. On avait dit ça un jour avec Mathilde, qu’on publierait des textes, des dessins, des poèmes. Ca s’appellerait même les Editions du Vieux Colombier. Décidément.

C’est un peu étrange en ce moment. Je pleure sans cesse, je me sens triste et abattue souvent. J’ai dit à mon gentil chéri de ne pas venir à Paris pour me voir. J’ai dit à Guillermo qu’il faisait trop froid pour que je mette un pied dehors. Je suis bien enfermée ici. Il y a des livres. Il y a toujours Le Patient anglais pour les après-midi trop longues. Il y a du chocolat noir. Il y a Pink Floyd et Led Zep. Il y a des pulls et des écharpes en laine. Pas envie de foutre un pied dehors bon Dieu. Pourtant demain je me lèverai à 6h45, je m’habillerai bien comme il faut, j’irai bosser toute endormie, les yeux gonflés, la peau blanche, les mains et les lèvres sèches. Novembre glacial et toujours le manque de ses bras. J’aimerais ne plus être triste. J’ai moins mal. Au quotidien. Je fais tout bien comme il faut. Un peu débordée, mais bien comme il faut. Sauf que je ne suis pas très heureuse. Sauf que je pleure à chaque fois que je parle de ça. Au téléphone, dans les cafés, en parler me fait encore pleurer. Mon père est affolé depuis la nuit où il m’a vue plongée dans cette douleur. Il était 3h peut-être. J’ai dû le réveiller à force de pleurer et de crier. Il m’a vue. Assise par terre dans la cuisine. Prostrée. Nuisette, épaisseurs de laine, visage ravagé. Il a vu mes poignets rouges à force d’avoir arraché la peau. Je voulais me faire du mal. Je voulais arracher jusqu’à ce qu’il me rappelle, jusqu’à ce qu’il revienne. Je voulais savoir jusqu’à quel point aller avant qu’il ne soit là. Frotter la peau de mes ongles. C’était tout rouge. Ca commençait à saigner. C’est quoi qui fait le plus mal : la douleur dans mon ventre ou la douleur de la peau éraflée ? C’est tout pareil. C’est cette immense douleur diffuse, qui fait moins mal au quotidien, qui explose parfois dans des crises, et je ne sais pas s’il comprend, s’il comprend à quel point j’ai mal. Je ne sais même pas si mercredi il a compris. Je lance des signaux. Il ferme les yeux. Il creuse un peu plus la blessure parfois. Il ne se rend pas compte.

Je n’attends rien de lui. Attendre encore c’est s’exposer à de nouvelles déchirures. Je n’attends rien mais j’ai mal. J’ai besoin des mots de Jérôme. J’ai besoin de pleurer dans les bras de Virginie. De parler à Emilie. D’appeler Florian. J’ai besoin de tant d’alliés. J’ai pas besoin des regards des garçons. Il faudrait sans doute que je parte, que je me mette des couleurs dans les yeux, que je traîne au Grand Palais et puis dans les librairies, il faudrait que je parte m’abrutir au travers du voyage, de la perte de repères, il faudrait que j’oublie la douleur en m’attelant à d’autres constructions. J’aimerais bien partir vivre à Londres quelques mois. C’est terrible de savoir que ces possibilités là sont fermées maintenant. Noroise me retient ici. Je me souviens du jour de mes vingt ans, elle était venue vers moi avec un licol bleu, et je ne comprenais pas, pourquoi on avait sorti la pouliche de son box, et je buvais mon kir avec tout le monde sans vraiment comprendre – on m’avait tendu les papiers alors et à côté du nom de la jument : Noroise de Bremoiselle – il y avait le nom du propriétaire : Marie P. Tout le monde savait depuis des mois. Tout le monde avait tenu sa langue. Et moi j’ai rien trouvé de mieux que de me mettre à pleurer. Comme d’habitude. Comme tous les jours, presque. J’étais débordée de joie, c’était elle, c’était ma jument rêvée de toujours mais au même instant j’ai compris que je devenais prisonnière. Responsable et engagée. Partir à l’improviste, partir sans prévenir, m’enfuir un mois, deux mois, retourner vivre à l’étranger, vouloir d’autres continents – je venais d’avoir vingt ans et toutes ces choses m’étaient interdites.

Je me console en lisant Aden Arabie et en croyant Nizan qui écrit que le voyage ne guérit de rien, qu’on y retrouve la même lassitude, le même ennui, le même dégoût. Le voyage n’est qu’un écart temporaire, mais rien ne change réellement.

La douleur précise, aiguë et acide est partie. Il ne reste que la douleur diffuse, stagnante, la douleur douce. Il n’y a plus d’accroc. Il n’y a que le temps qui passe. Quinze jours qui s’en vont, et ce sera déjà mieux à ce moment-là. Il faut que j’oublie petit à petit. Que les souvenirs s’effacent. Tout est encore trop précis. J’attends que son visage devienne flou. J’attends d’être happée par quelqu’un d’autre.

mardi 17 août 2010

Il n’y a pas de titre.


La semaine passée sans que je l’aie vue défiler. Des heures de sommeil. Des heures à travailler. L’épuisement en bout de course et la flottaison entre tristesse et apaisement. Le manque moins flagrant. Les mots rassurants trouvés dans les bras d’une amie, dans les sourires discrets. J’ouvre les yeux, je redeviens disponible. Je suis là parmi les autres, hors des souvenirs. Se souvenir fait trop mal. Je regarde devant. Je désire. J’espère. C’est un peu vain parfois mais c’est nécessaire de repasser par ça. Réapprendre à boire du vin blanc en riant avec des amies sans avoir aux lèvres le goût de l’été. Passer devant le Flore sans jeter un oeil vers là où. Devant sont passées Nathalie et Sonia Rykiel entourées de fourrures teintes et de cols en renard, c’est idiot et c’est égal (non, ça n’est pas vrai, c’est une leçon d’élégance) mais c’est une façon de penser à autre chose. Se réapproprier les lieux et y placer de nouveaux souvenirs. J’imagine peut-être qu’une vie se construit sur de premières fondations, que les murs s’effondrent parfois mais que chaque histoire apporte plus de solidité et de résistance. Comme le limon déposé à chaque crue nourrit la terre.

Ce soir le vin blanc et trop de cigarettes allumées avec son briquet m’ont rendue malade, je me sentais lassée et épuisée – pourtant le mouvement vers l’avant, la confiance du lendemain et la légèreté insouciante, là de nouveau – et puis entre les draps de mon lit la peau douce, les cheveux entre parfum et cigarettes, le petite livre de Michele Lesbre et le sommeil doux.

samedi 14 août 2010

vendredi 13 août 2010

L’inconnu me rassure.

Je suis allée à pied de la porte de Clignancourt jusqu’à la Gare de l’Est. Pas tout à fait de mon plein gré, mais parce que le métro ne fonctionnait pas. J’avais mes chaussures vernies de petite fille modèle habillée à l’anglaise, un peu comme celles de mon hypokhâgne. Les chaussures vernies c’est une longue tradition personnelle qui remonte, d’après ce qu’en raconte Maman, à mon émerveillement devant le vernis de ma première paire de babies, alors que je tenais à peine debout. 22 ans plus tard je suis toujours contemplative devant le vernis de mes chaussures à talons.
J’ai marché boulevard Ornano et boulevard Barbès à travers les vitrines africaines et indiennes : 6 euros le kilo de pistache, des tajines ébréchées, des morceaux de tissus et des robes de mariée. Il y avait des enfants sur des trottinettes, des vélos lancés à toute allure sur les pistes cyclables et dont les sonnettes se déchaînaient à l’approche des carrefours. Depuis longtemps je n’avais pas regardé Paris avec les yeux si grand ouverts. Paris la nuit, les ponts enjambant la Seine, les vitrines décorées du Bon Marché : ça ne me parle plus. Tout est vide, ou rempli de creux. Les défilés de mode de Saint Germain des Prés ça n’est plus pour moi. Il faut que je puisse vivre dans l’indifférence des minettes parisiennes, alors oui d’accord pour parcourir Saint Germain au bras de mon amant, mais autrement je ne peux pas être seule dans une ville si figée, il faut le monde et le fourmillement et la simplicité évidente autour de moi. Paris n’est qu’une ville pour amoureux.
J’étais heureuse de marcher sous le ciel si bleu, c’était presque un signe de bon augure. Je me suis levée encore happée par un garçon qui me conquiert au travers de mes rêves. Je souriais toujours enveloppée de la même douceur retrouvée. J’avais dit que la rupture ne durerait que le temps de l’automne ; l’automne comme cimetière des cœurs brisés est terminé. L’hiver arrive. Il fait froid et mes mains sont sèches. Aujourd’hui, je vais mieux. Aujourd’hui, je me laisse remplir par les prémisses d’un désir inconnu.