lundi 29 novembre 2010

Concorde Atlantique.


Une nuit sur la péniche, une nuit sur la Seine, la robe légère sur le corps aminci, les jambes longues sous le voile clair et les très hauts talons – autour de moi partout il y a des gens que je connais, des amis, des gens avec qui rire, danser, échanger les verres de vodka – je me sens un peu de retour « chez moi ». le souvenir des soirées de l’an dernier où tout n’était que sensualité. Agathe me tient dans ses bras, Agathe me protège quand les garçons s’approchent, j’ai le visage lavé aux larmes mais cette nuit je fais comme si j’étais capable de reprendre le jeu du désir. il y a mes garçons, un peu perdus, mes garçons dont les épaules me rassurent, je laisse G. jouer avec ma peau, ma nuque et mes hanches, mais mes lèvres gardées intactes, mes lèvres protégées, je ne laisse pas les baisers se perdre. J’ai besoin de sentir le désir mais il faut se protéger aussi, il faut d’abord la reconstruction intérieure avant de me lancer à corps perdu dans – je ne sais pas, juste pas cette nuit, juste sourire et sentir la douceur, le désir, et puis avec Agathe en se tenant par la main nous sommes rentrées, sans mes garçons, seules et entières, heureuses et confiantes.

mardi 23 novembre 2010

Concorde Atlantique.


Une nuit sur la péniche, une nuit sur la Seine, la robe légère sur le corps aminci, les jambes longues sous le voile clair et les très hauts talons – autour de moi partout il y a des gens que je connais, des amis, des gens avec qui rire, danser, échanger les verres de vodka – je me sens un peu de retour « chez moi ». le souvenir des soirées de l’an dernier où tout n’était que sensualité. Agathe me tient dans ses bras, Agathe me protège quand les garçons s’approchent, j’ai le visage lavé aux larmes mais cette nuit je fais comme si j’étais capable de reprendre le jeu du désir. il y a mes garçons, un peu perdus, mes garçons dont les épaules me rassurent, je laisse G. jouer avec ma peau, ma nuque et mes hanches, mais mes lèvres gardées intactes, mes lèvres protégées, je ne laisse pas les baisers se perdre. J’ai besoin de sentir le désir mais il faut se protéger aussi, il faut d’abord la reconstruction intérieure avant de me lancer à corps perdu dans – je ne sais pas, juste pas cette nuit, juste sourire et sentir la douceur, le désir, et puis avec Agathe en se tenant par la main nous sommes rentrées, sans mes garçons, seules et entières, heureuses et confiantes.

jeudi 18 novembre 2010

L’honnêteté.


Sentir que l’honnêteté n’a pas été là. Sentir que toutes les réticences, toutes les résistances, tous les comportements inexpliqués venaient de là. Découvrir ce qui était caché, ou savoir seulement que quelque chose était caché – et ne plus pouvoir faire confiance. Lorsque j’avais fini par avouer à M que nous fréquentions le même garçon, j’avais été horrifiée par sa réaction. Cette violence, ce dégoût, cette impossibilité à me faire à nouveau confiance. J’avais beau dire – comment t’avouer, comment te dire la vérité, comment en deux mois trouver l’occasion, les mots, la motivation ? Elle avait raison de ne plus vouloir me faire confiance. Lorsque l’honnêteté a manqué, lorsque des choses fondamentales ont été cachées, lorsque des secrets ont longtemps été gardés, comment avoir confiance pour la suite ? Il a fallu du temps, il a fallu des mois, avant que la confiance ne revienne. A nouveau là aujourd’hui, mais est-ce exactement comme avant ? Je ferme les yeux et je laisse ma main à M pour me mener n’importe où, je suis aveugle près d’elle, mais ce n’est pas moi qui ai été abusée.

Je sais que les choses sont trop difficiles à révéler parfois. Je sais qu’on croit faire le moindre mal en laissant l’autre dans ses impressions, ses vérités, sans jamais détromper. Je sais à quel point l’aveu est difficile. Je sais la violence qu’il faut faire à soi-même. Je sais la douleur immédiate de l’autre qui reçoit la vérité. Mais il me semble pourtant, encore, que la vérité terrible et immédiate, qui vient comme une déflagration, vaut mieux que les journées, les semaines et les mois de malaise. Que la vérité vite avouée est une preuve de courage et d’honnêteté – alors que tout ce qui sera retardé, tout ce qui durera et s’éternisera, ne pourra rendre que plus forte la mise en doute le moment venu – « mais alors tous ces jours où ça n’allait pas, tous ces jours où le malaise régnait, tous ces jours de recul, de réticence, de résistance, tous ces jours ? l’honnêteté n’était pas là ? ». C’est tellement difficile ensuite de refaire confiance lorsque l’écart a existé. Le temps qu’il faut pour reconstruire, retrouver la confiance, céder à nouveau et se dévoiler. Je préfère la vérité brute, immédiate, sans précaution – à la vérité trop tardive, le doute qui s’est installé, la capacité qu’a eue l’autre à faire comme si, tout en gardant les secrets cachés.

mardi 9 novembre 2010

colère.


J’aurais aimé venir écrire plus tôt. Ca fait presque deux semaines, peut-être ? Je ne sais pas, le temps s’enfuit, j’ai l’impression de n’être qu’une passagère, je fais mille choses et tout m’échappe, rien ne se retient, je n’ai pas le temps de me retourner. J’avance tant que je peux en ayant parfois le sentiment d’être dépassée, le tapis sous mes pieds va plus vite que moi, je glisse, je me raccroche, je continue, j’essaie de rester debout.

Je suis sortie de la rupture. Il a fallu du temps, beaucoup de temps par rapport à celui que nous avions passé ensemble. Un mois de rupture, de discussions, de pleurs, d’incompréhensions, de cris et de jalousies, pour trois mois d’amour. C’est Jérôme qui m’a sortie de là. J’ai fait du chemin seule, j’ai fait du chemin en m’appuyant sur mes amies – ce sont elles qui pleurent aujourd’hui, l’automne n’est qu’un cimetière de coeurs blessés – mais je n’ai compris qu’en écoutant et réécoutant « la colère » qu’il y avait une alternative à la tristesse : la révolte. Lorsqu’on est abandonnée, on peut noyer la colère dans les pleurs et se sentir coulée, enfonçée, abattue, ne trouver le calme que dans le corps vidé de son eau, le corps même vidé tout entier, le corps inexistant. On tente la moindre démarche pour rattraper l’autre, le toucher à nouveau, lui faire comprendre notre douleur, lui demander de revenir. On s’agenouille, on s’abaisse, on se nie soi-même, on ne réclame que l’autre, on lui est toute entière donnée. Ou bien la colère peut se transformer en révolte, en une énergie qui redonne de l’élan, en un refus de la situation. J’ai été quittée – je ne vais pas non plus continuer à lui offrir un royaume, un royaume qu’il ne mérite pas, un amour qu’il a rejeté. Je veux dire que ça n’est pas acceptable. Que je ne peux pas me donner davantage avec l’espoir qu’il redonnera à son tour. Je ne peux plus donner à celui qui offre un mur. Je sais bien que j’ai la force, la foi, l’amour suffisants pour m’enfermer pourtant dans cette absurdité, je sais bien que l’amour ne s’éteint pas, que chaque jour je l’aime et pour des mois encore – jusqu’au prochain qui prendra cette place en moi – je sais bien que je pourrais l’attendre et tout supporter au travers de l’attente et de l’espoir. Jérôme m’a ouvert les yeux, Jérôme m’a mise devant la réalité – celle de la rupture, de l’amour qui ne circule plus qu’à sens unique, des forces que je perds à force de les donner – et dans la salle bruyante les mots couvrent tout, les mots me chavirent, les mots me blessent, les mots me plongent dans l’hébétude – « mon amour je suis partagé entre te protéger toujours quoi que tu fasses de moi dans cette vie de rêve, et la colère que tu me donnes de me laisser seul la nuit comme ça, j’oscille à ton égard entre la sainteté et la colère, mais je crois que j’aime trop la chair pour être canonnisé, et c’est ma colère, ma colère qui tient mes sourcils » – les gens autour parlent, dinent, rient, se sourient – je suis dans autre chose, je suis habitée, je suis bouleversée, la réponse enfin là se dessine – ce sera la colère.

Le lendemain dans un café de la rue Bonaparte, je suis défaite comme je ne l’ai pas été depuis longtemps – peut-être même que je n’ai jamais osé sortir dans Paris cachée sous tant de pulls et derrière mes lunettes de soleil, les cernes me rongent le visage, j’ai la peau blanche d’une fille anémiée, mes jeans sont trop grands, mes mains longues, transparentes aux veines allumées, les doigts comme des brindilles prêts à se casser net si personne ne les réchauffe. Jérôme dit que j’ai le visage de la Renaissance italienne, le visage allongé, la peau laiteuse, la fragilité marquée sur le corps entier, les muscles raidis, les jambes marquées d’ecchymoses, la peau coupée par la lame du rasoir, je me protège derrière mes bras repliés. Je parle un peu, je dis doucement, toujours doucement ce qui arrive, ce qui m’arrive, ce qui m’échappe, ce que je ne comprends pas, et Jérôme apporte des réponses, Jérôme me rassure et me donne accès à la colère, j’ai droit à cette colère-là, j’ai le droit de me révolter contre l’abandon, même si ça n’est pas sa faute, même s’il n’a pas voulu me faire ce mal – j’ai été tellement blessée. Je suis blessée chaque jour, je porte la douleur en moi, cette cicatrice que tout le monde a voulu voir, cette cicatrice qui se refermera aussi, si lentement, si imperceptiblement, mais qui ne s’effacera pas. J’ai eu mal dans ma peau, j’ai eu mal dans mon ventre, j’ai voulu tellement vomir, m’abîmer, me détruire, j’ai voulu supprimer ce corps qui n’était qu’une douleur, chaque matin se réveiller avec la douleur vrillée au ventre, alors peut-être il aurait mieux valu ne plus se réveiller.

J’ai repris pied. J’ai repris pied par la colère et par ce qu’il a finalement avoué. J’ai repris pied parce que ce que je croyais n’était pas totalement faux, parce que j’avais raison de croire aux sentiments fous et absolus, à la rencontre rare et unique. Je savais exactement la passion qui nous avait ravagés, je savais comme tu m’avais aimée, je savais comme tu étais devenu fou de moi – tu refusais de reparler des mois écoulés, tu répétais inlassablement que tu ne m’aimais plus – mais tu as fini par dire la vérité des sentiments partagés. J’ai cru parfois que j’avais été seule à me donner, seule à aimer, seule dans la folie de notre amour – non, tu étais là comme moi, tu n’en revenais pas non plus de cette rencontre exceptionnelle, tu n’en revenais pas des heures à parler ensemble et seulement m’embrasser pour que je ne puisse plus parler, et les nuits hors du monde, les nuits hors du temps, les nuits que personne ne nous volera, que personne ne reproduira, que personne ne connaîtra. J’ai cru que tu m’avais trahie, lésée, j’ai cru que tu lui offrirais bientôt la même chose qu’à moi, que rien n’aurait compté, que tout notre amour effacé – mais non, tout est vrai, tout a existé, et cette histoire nous appartient.

mercredi 3 novembre 2010

me perdre dans les bras des autres pour ne plus l’aimer


Se réveiller encore le matin avec le mal d’aimer, le manque omniprésent, l’envie de vomir. Mais je vais mieux. Sans lui je vais mieux. Le manque est épisodique, le manque réapparaît parfois, le manque se fait rare. Pour autant je ne l’aime pas moins. Je ne suis pas moins soucieuse et préoccupée de ce qui lui arrive. Je suis devenue indifférente aux faits, je ne sais plus ce qu’il vit, ce qu’il traverse, qui il rencontre, je ne sais plus et ça m’est égal. Qu’il vive, sans moi, que je vive, sans lui, que nous nous reconstruisions loin l’un de l’autre. Je garde en moi l’amour entier, l’amour ininterrompu, le souci de l’autre. Ne pas lui dire, chut. Ne plus rien dire. Je ne peux pas faire semblant de ne plus l’aimer. Mais je pars vers autre chose. Je souris aux garçons. La nuit vers Odéon je marche sans savoir où aller, Clem est avec moi, il m’engueule, il me secoue, il réapparaît parfois tous les quatre mois pour prendre des nouvelles, on marche dans les rues humides il s’énerve « tu es ivre, tu vas rejoindre ce type, vous allez boire de l’eau peut-être ? » je voudrais qu’il m’embrasse, non enfin aucun garçon n’a le droit de m’embrasser, je suis trop amoureuse encore, dans mon corps il n’y a aucun désir, mon corps est vide, mon corps n’est qu’un appât pour les garçons mais dedans il n’y a pas de force, pas de force pour aimer, encore moins pour faire semblant, je ne fais qu’attendre de retomber amoureuse. j’attends le prochain, j’attends le suivant, j’attends « que le hasard se bouge ».

J’ai laissé Guillermo me prendre dans ses bras, je l’ai laissé jouer, j’ai pris le réconfort dont j’avais besoin et je suis partie – combien de taxis la nuit, combien d’heures marchées sans savoir , combien d’heures dansées sans raison, dans l’abandon, sous les yeux des garçons, me perdre me perdre me perdre, m’épuiser jusqu’à oublier, jusqu’à ne plus sentir la fatigue la douleur. Et je dis que je vais mieux. Je vais mieux parce que je n’ai plus besoin de lui, parce que je décide de ne plus me battre, ne plus m’acharner pour continuer quelque chose dont je ne serai pas capable et qui me laissera toujours insatisfaite, je renonce – mais je suis juste encore si amoureuse. Je voudrais ne plus l’aimer. Je voudrais ne garder que le passé, ne plus l’aimer.