C’est tellement symbolique ce train à prendre, ce départ de la gare, les lignes de chemin de fer à suivre pour quitter Paris, pour quitter ma ville, pour quitter mon histoire d’amour. Je pars en me sentant enfin détachée. Pas indifférente ni méprisante, mais seulement sans vouloir continuer à me préoccuper de ses journées. De ses rencontres. De ses découvertes. Je pense à lui, je lui souhaite secrètement des choses merveilleuses, je l’espère heureux – et toujours je le défendrai. Mais je ne ressens plus le besoin de vivre des choses avec lui. L’angoisse du temps qui passe et qui ne nous rapproche pas, m’a quittée.
A Lyon Laura m’attend et me montre la ville – les rues piétonnes partout, les quais illuminés la nuit, les petites rues pavées et les antiquaires – je me laisse balader, j’aime bien cet inconnu et au hasard des rues, bien sûr je repense à la dernière fois qu’on m’a guidée dans une ville que je ne connaissais pas, of course London in my mind, mais je savoure le moment de marcher sur la presqu’île, le goûter chez » délices et sens », et puis au Cinéma National Populaire il y a Control – je suis les bons conseils d’Ulrich qui avait promis que je tomberais amoureuse de Sam Riley – pendant deux heures je regarde hypnotisée Sam/Ian, l’image parfaite en noir et blanc d’Anton Corbijn, Debbie la blonde abandonnée avec sa fille dans les bras, Annik la brune irrémédiablement amoureuse du chanteur de Joy Division – et religieusement j’écoute les chansons lugubres, funèbres, bouleversantes – je suis amoureuse de Sam Riley, de Joy Division, je veux l’adopter entre mes bras ce garçon, et je pleure quand Debbie comprend qu’il en aime une autre, et je comprends Annik qui ressent quelque chose de si particulier envers lui, et je retrouve ma fascination pour les garçons jeunes, les garçons fous, les garçons fins et violents et épileptiques – je regarde Sam Riley et je vois Henri – même jeunesse, même corps blanc, des cigarettes sans jamais s’arrêter – je vois le prince Mychkine, je vois Antoine si mal dans le monde – en lui je cristallise tous mes amours. En rentrant la nuit je n’écoute plus que Joy Division et la poésie noire qui me rassure, moi dans le creux de la nuit ça me rassure.
A Lyon j’ai aussi mangé des ravioles au Saint Marcelin et c’était une bonne façon de me remplir le ventre, avant de retourner danser – chaque nuit depuis jeudi, les salles remplies, la chaleur, les bras humides, les alcools, les cigarettes – les garçons aussi autour de moi, je les regarde, je ne sais pas trop, pas envie de faire des efforts, c’est tôt encore, mais c’est toujours trop tôt lorsqu’on a un amant dans le corps dans le coeur dans la tête, lorsqu’on est amoureuse encore – ce soir je passe des heures à m’approcher de lui, les sourires, les mains frôlées, les corps rapprochés – je le laisse m’embrasser, ou je l’embrasse, je ne sais plus, mon Dieu ce que j’aime le creux de sa joue quand il me sourit, et les regards complices autour de nous, mon Dieu qu’est-ce que je fais encore, il faudrait que j’arrête d’embrasser des garçons dont je ne connais pas le nom, mais je fais confiance à sa peau à son corps à ses mains sur mes hanches à ses lèvres et même à sa langue – c’est étrange de sentir à nouveau les mains d’un homme sur mon ventre, c’est agréable d’être embrassée et désirée sans penser trop à ce que cela représente – bien sûr je voudrai le revoir, bien sûr au petit matin lorsqu’on rentre chacun de notre côté il m’écrit déjà les mots que j’aime, bien sûr j’ai envie de ça, j’ai envie de lui et on rit comme des gosses qui ont un peu trop bu en se demandant si on trouvera un hôtel – cette immédiateté là ce que je l’aime – mais aussi quand je rentre je sais, avec toute la douceur et la tendresse dont je suis capable, que c’est encore à quelqu’un d’autre que je penserai au moment de dormir – penser seulement à ce qu’il est, à ce qu’il devient, espérer qu’il va bien et que la colère s’apaise.
Mon amour, je ne t’aime plus. Mais je suis là quelque part toujours, présente, enveloppante, rassurante – le jour où tu auras besoin, le jour où tu auras besoin.
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