lundi 13 septembre 2010

Reprendre des forces.


Avec ma soeur on fait un concours de ressemblance : six années entre elle et moi mais le même jean straight, les mêmes pulls bleus en laine mérino, les vestes courtes évasées aux manches larges puis resserrées. Les mêmes cheveux très longs, seule la couleur change, et je crois que bientôt j’aurai encore envie de me teindre en acajou (c’est la même chose chaque année au mois de novembre). Je regrossis un peu, mon corps reprend les formes que je n’aime pas, mon frère trouve toujours que j’ai l’air sur le point de me briser, mais moi je sais que j’ai repris des forces. Des forces je suis obligée d’en avoir pour monter Noroise, demain matin je l’emmène à son premier concours. J’ai peur ? Oui sans doute, mais je ne le sens pas encore. Cet après-midi pendant trois heures j’ai préparé son filet, ses protections, j’ai natté sa crinière, graissé ses pieds, usé toutes mes brosses. Elle était tellement belle ma folle chérie, avec son alezan brûlant vif et soyeux, elle était douce elle m’écoutait parler pendant que je tressais ses crins, et puis elle a fini par ressembler à un vrai cheval de sport. J’aurai la peur nouée au ventre demain en découvrant le parcours, en montant la première sur son dos, en me lançant sur la carrière. Capable d’être tout à la fois si parfaite – si folle. Quand je dis qu’elle et moi nous ressemblons…

Je me sens un peu plus forte parce que la douleur passe, parce que mes amies m’ont portée à bout de bras pour que je garde la tête hors de l’eau ; maintenant je suis capable de rester seule à la surface – oh j’ai encore voulu me jeter par la fenêtre vendredi matin mais ce sont des crises qui s’apaisent vite, pour peu qu’Henri réponde encore présent – et je deviens le soutien de mes amies puisque l’automne s’acharne à détruire nos coeurs, il y a aussi les alliés récents et le désir marqué dans les yeux de certains garçons qui comptent – ceux qu’une petite amie retient, ceux que je connais depuis trop longtemps, ceux que je découvre au hasard des rencontres -, il y a tout simplement ce retour à la vie grâce aux projets, aux amis, aux rencontres. Ca ne remplace rien de l’amour perdu mais ça m’empêche très simplement d’y penser. Parfois la nuit je m’évade, je retrouve le souvenir de mon amour, l’impasse des quatre vents, la place Clichy – tu étais arrivé tellement en retard ! – le bain un dimanche matin après les pains anglais tartinés au beurre et à la myrtille, mon Dieu ces moments là que je voudrais revivre avec toi, cette obstination à vouloir te retrouver, ne pas être capable de te croire quand tu dis : « je ne t’aime plus » – oui j’avance et je m’éloigne et je construis seule – quand j’aurais voulu construire avec toi, jusqu’à céder une part de ma liberté – j’espère partir suffisamment loin de toi pour ne plus t’aimer lorsque je te reverrai, mais peut-être que ça ne sera jamais possible. Peut-être. Je n’en sais rien. Je me concentre sur le reste. Je place des espoirs dans la multitude de spores disséminées, je me fonds, je me disperse, je me divise – pour ne plus sentir la douleur concentrée, la douleur du ventre, la douleur de la peau.

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