L’effervescence est retombée – le vide surgit à nouveau – l’absurdité saute au visage. Je relis Le Mythe de Sisyphe, bien sûr que Camus fait écho à ma douleur mais ça n’apporte aucune réponse. Je sais seulement répéter qu’il y a une absence totale de sens dans ce que je fais, qu’il n’y a aucune direction, aucune ambition, que tout se fait avec un sentiment d’inutilité et de vacuité.
Il me dit : tu es belle, tu es intelligente, tu es à Sciences Po, sois heureuse. Et alors ? Je n’en crois pas un mot. Je suis belle pour qui ? Y a-t-il quelqu’un qui m’aime ? Et puis ça sert à quoi d’être à Sciences Po, si ce n’est à s’en vanter ? Ca ne fait rien construire. Rien ne surgit de ce que je fais. Les études me semblent de plus en plus abstraites, elles me passent totalement au-dessus de la tête. Je voudrais aider, je voudrais construire, je voudrais m’engager, je voudrais être utile. Je veux agir avec d’autres personnes, je veux aller vers les autres, je veux être ici pour quelqu’un et que cela même donne un sens.
Mathilde hier m’a donné un bout de réponse que je crois valable : un jour il y aura l’enfant. Lorsque l’enfant est là on existe pour lui, on l’accompagne, on l’emmène, on lui apprend l’humanité, l’amour des autres. L’enfant ne constitue pas exactement une raison de vivre, mais il interdit de renoncer – quoique, ses deux enfants enfermés dans la chambre d’à côté, ça n’a pas empêché Sylvia Plath d’ouvrir le gaz dans sa cuisine. Peut-être qu’il faut avancer vers ça, penser à cet enfant un jour, mais peut-être que ça aussi c’est une illusion. Il n’y a rien à trouver je crois. Il n’y a aucune raison valable ou suffisante. L’absurdité sera là toujours, et même si on s’interdit d’y penser, on saura toujours qu’elle rôde.
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