jeudi 15 juillet 2010

J’ai rouvert le plus beau livre du monde, rempli d’ironie et de cynisme, ces futurs morts, ces amants qui rient de leurs belles dents blanches et ne savent pas qu’ils seront bientôt six pieds sous terre, mais si, Solal le sait. Les délires d’Ariane dans son bain, la libération que procurent ses flux de paroles, le bain un peu plus chaud, l’hystérie, les baisers de Varvara, Solal repoussé et désiré.

Comme un étendard – je promène Belle du Seigneur partout dans Paris. Ce soir dans l’amphi où j’avais l’habitude d’aller chaque mercredi il y a deux ans, la compagnie de Margault jouait Huit femmes et je n’en revenais pas, il y a quatre ans au lycée Margault disait qu’un jour elle serait sur scène ou bien derrière, qu’elle accompagnerait des artistes et qu’Avignon lui ouvrirait ses portes. Ce soir c’est une belle pièce qu’offre la compagnie « Dans le ventre », ce sont des comédiennes parfaites et enthousiasmantes, c’est un travail approfondi et abouti, c’est une envie de donner vie, d’aller plus en avant, c’est une grande énergie de seize femmes réunies sur une scène, c’est effectivement quelque chose qui vient du ventre.

J’étais fière, si fière, tellement fière de son travail, de sa passion réalisée – cet été ce sera le Off à Avignon – j’avais une envie folle de rire de pleurer d’avoir retrouvé Margault, son sourire sa confiance ses joues où je pose des bisous, j’étais à bout épuisée trop peu de sommeil ces dernières nuits je suis un peu amoureuse aussi je crois et les garçon ne me quittent pas, je voulais pleurer pour me sentir mieux mais je voulais rire aussi, j’ai eu un sourire idiot accroché sur le visage tout au long du retour, de Censier à Sèvres Babylone, Paris la nuit la pluie fine, Belle du seigneur toujours à la main et les pages mouillées, j’ai marché longtemps et j’ai fumé pour me sentir partir parce que je n’avais pas mangé, j’aurais voulu boire ne jamais rentrer partir oublier dormir, mais il ne faut pas fermer les yeux, il faut affronter, pas en ce moment le grand sommeil ouaté, je vais bien je crois malgré les exposés la fatigue les garçons qui se dérobent, j’ai une envie de rire qui ne s’arrête pas et ce soir je marchais, je pensais aux amants à Ariane d’Auble aux amitiés plus rassurantes toujours que quoi que ce soit d’autre, je n’ai pas appelé Antoine alors que – je suis passée devant le cinéma Action des Ecoles toutes les brasseries de la rue où j’ai déjà déjeuné avec Margault, Ophélie, j’avais rencontré aussi Sandra totalement par hasard devant le Grand Action et nous avions vu Mort à Venise la salle était gelée elle avait posé une grande écharpe sur moi.

Sur le boulevard Saint Germain, mi-chemin entre Odéon et Mabillon, un vieux monsieur me regarde avancer, je suis habillée so british very Burberry indeed, les yeux cernés les cheveux humides mais je crois que je souris toujours et le très vieux bonhomme me dit que je suis très jolie et moi je pense à Ariane « je veux être heureuse mais quand on est jolie comme toi on doit être heureuse à quoi ça me sert d’être jolie je ne sers à rien je rêvasse c’est tout oh tout le temps se raconter des histoires pas vraies ». Un jour A a dit que j’étais belle et intelligente et alors quoi je devrais me contenter de ça, est-ce que ça rend heureux d’entendre des choses idiotes comme ça, mais non ça ne fait que renforcer le décalage entre ces mots et ce qui n’arrive pas, je ne veux pas être jolie je veux être aimée, en ce moment indépendance fierté féminité assumées même derrière mes pulls informes je marche avec une arrogance à gifler la tête redressée et j’ai l’air de me foutre éperdument du monde entier, je suis seule et heureuse, Belle du seigneur avec moi et mes histoires pas vraies mon monde inventé les repères que je trouve à Paris ma ville retrouvée le métro ligne 13 minuit je me sens protégée, mais parfois, parfois quand les pleurs dans la gorge quand je marche sans m’arrêter quand je ne veux pas rentrer quand savoir qu’il habite à deux pas quand besoin de ses bras – je voudrais que quelqu’un soit là. Dire que tout ira bien, que la nuit effacera les pleurs que l’euphorie ne me donnera pas la gueule de bois demain matin mais seulement des cernes plus profondes. A jouer les femmes libres indépendantes fières folles femmes j’éloigne de moi les protections que pourtant je réclame.

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