mardi 27 juillet 2010

L’océan pour remplir le regard.


Je suis fatiguée. Je voudrais prendre une voiture, la A13, les vaches sur le bord de l’autoroute, et deux heures plus tard arriver à Trouville. Devant l’Atlantique gris, immense, les Planches sur le sable humide et les Roches noires juste derrière. Retrouver Duras, les moules, mais le marché aux poissons a brûlé il y a un an, et puis acheter des pains au chocolat pleins de beurre et s’asseoir sur la plage.

Je n’ai envie que de ça. Quitter Paris. Me remplir les yeux de l’Océan. C’est parce que j’ai vu ses photos sombres, grises, lumineuses, merveilleuses du Loch Ness. Pierres noires sur l’eau silencieuse, remous cachés, je pensais aux romans gothiques et à Carmilla, je pensais au romantisme ténébreux d’Ian Curtis. Je n’ai envie que de partir avec lui, si perdu et solitaire, son absence parmi les autres, j’ai envie de le prendre par la main et de l’emmener avec moi à Trouville, et puis rien d’autre. S’asseoir sur le sable mouillé, être silencieux.

(chronologiquement, ceci vient en dernier)

J’ajoute une dernière entrée pour expliquer un peu ce qui se passe.

J’ai cru aller mieux, mais ça n’était que pour replonger. Aujourd’hui je ne dors plus. Je m’endors à des heures impossibles même en me foutant au lit à 22h. Je mange oui mais pas le matin, je suis trop nauséeuse avant midi. J’ai fait une crise d’hystérie : poitrine griffée aux ongles, visage rouge, bouffées de chaleur, afflux de sang. Dans ma tête c’est comme si ça allait exploser. Dans mon corps aussi ça déborde. Je suis faible, il faut que tout soit doux, calme, ouaté. Pas les cris, s’il-te-plaît ne crie pas. Dans ma tête ça résonne. J’ai fait une crise d’angoisse aussi : chaleur, étouffement, sentiment de soif permanent, et soudain le froid glacial. Comme il y a trois ans , dans la nuit les crises d’angoisse, dans chaque pièce où je pénétrais les crises d’angoise, j’étouffais, je gelais, ma peau souffrait.

Alors j’ai pris rdv chez le médecin. Demain. Demain je vais lui raconter et il paraît qu’il va me donner des pilules de différentes couleurs ; pour dormir, pour être apaisée, pour me sentir plus en forme. J’ai un peu peur des médicaments et de la junk attitude pendant quelques mois ; mais lui ça a l’air de le rassurer, comme si le médecin allait tout sauver, comme si ça le dédouanait de sa responsabilité. Je n’ai pas abîmé jusqu’à ce point le coeur d’un garçon, mais je crois que je n’aurais jamais abandonné personne. J’aurais cherché la solution avec la personne, et aux angoisses, aux peurs, aux doutes, j’aurais répondu par toujours plus de tendresse. Moi on me reproche d’être encore amoureuse. D’être encore amoureuse.

Si vous voulez la croiser la petite folle, elle court le matin à 8h sur les rues Pouchet et Cardinet jusqu’au parc Monceau, avec son petit frère, même sous la pluie, encore plus sous la pluie, pour que le corps se revigore et pour que ma tête soit rincée.

Ah, vous allez rire, mais moi qui geins toujours (et c'est mal) je n'avais rien à dire sur ce blog depuis son ouverture !

Alors je profite : j'ai du mal à vivre le fait de me sentir peu appréciée au milieu des gens avec qui je bosse.

Voilà comment ça se passe : je re père un comportement de quelqu'un, ou une info, ou d'une façon plus générale, quelque chose qui me semble digne d'attention : je le dis lors de réunion, si c'est pro, ou au café, si c'est perso. Mais mon affreux et horrible manque de confiance en moi fait que je le mentionne doucement, sans pousserdes cris - vous savez, on a tous des collègues qui arrivent en hurlant : vous savez pas la nouvelle ??? Eh bien, ça n'est pas mon genre. Je dis plutôt : j'ai appris que... et d'un air dubitatif. J'ai toujours peur de me tromper ou d'avoir mal compris.

résultat, mes infos sont pasées sous silence, on hoche poliment la tête. Dernièrement, j'ai parfois pris mon courage à deux mains et insisté en revant sur le sujet et en disant : désolée, mais je crois que ce que j'ai mentionné est important, et tout le monde dit "oui oui oui" mais personne n'en parle.

Et puis un ou deux jours après on ne parle plus que de ça, mais l'info vient d'une autre personne que moi : j'ai mis la puce à l'oreille de quelqu'un qui a fait circuler l'info, par son charisme et son attitude.

Il est déjà arrivé que la personne me cite : mais on retient plus le nom de celui ou celle qui est populaire, que tout le monde connait, de la grande gueule, etc.

Voilà. Et ça, j'en ai marre.

J'ai remarqué aussi (car je fais des efforts pour que cela change) que parfois, quand, dès le début, je me montrais plus mordante en évoquant le sujet des le début, plus "agressive", quand je faisais un peu de cinéma... alors on s'intéressait plus à mon info et on enregistrait qu'elle venait de moi.

résultat : si je veux, dans mon boulot, apparaître comme une personne compétente, je dois changer ma façon d'être. Etre plus "actrice".

Cela m'est difficile, et cette "nécessité" me rend plutôt mélancolique. Je voudrais plus être seulement moi-même.

jeudi 22 juillet 2010

Il dit que je ne supporte aucune violence. Qu’elle soit verbale ou physique, je ne tiens pas la route, je m’effondre beaucoup trop vite. Il me reproche de pleurer lorsqu’il crie, de chercher des refuges et de ne pas affronter la violence quotidienne. Il me ressort cette histoire, il y a quelques mois, une fille m’avait agressée en pleine rue, je n’avais pas vraiment su quoi faire, je ne voulais simplement pas entrer dans son jeu, ne pas hurler au milieu des passants, ne pas la gifler comme elle venait de le faire contre moi, rester hors du cercle de la violence. J’étais entrée seulement dans un café, le temps de me remettre un peu d’aplomb, j’étais repartie. C’est tout, et je n’ai pas considéré que j’étais « faible » ou idiote de me laisser faire. Ce soir mon frère dit que je suis une femme faible prête à se laisser marcher sur les pieds, incapable de se faire respecter, j’aurais dû répondre, réagir, et puis quoi, lui en retourner une, me faire détruire le visage, rester à terre ? Je refuse ça, je refuse cette violence, je suis une femme et pas un mec qui n’a qu’une envie, celle d’en découdre. Oh j’aurais bien aimé naître dans le corps d’un garçon, avoir mes bras pour me défendre, pouvoir défoncer les types qui m’emmerdent, j’aurais été une vraie guerrière. Mais je suis femme, je pleure, je reste choquée par les coups, le sang, les garçons à terre.
Il y a presque deux ans, en juin sûrement, rue-de-la-soif, Fix avait provoqué un type, je crois que c’était seulement par plaisir, par envie de se défouler, il l’avait frappé, tous étaient venus l’aider et il y avait du sang partout, le bitume couvert de traces chaudes rouges gluantes, j’étais choquée, je tremblais, ils m’avaient faite courir pour que la police ne nous voit pas, et l’un avait dit « mince, ce con a foutu du sang sur ma chemise neuve ». Je venais de les voir mettre un type dans un sale état, et eux se préoccupaient de l’état de leurs chemises ?
C’est un truc de mec tout ça. C’est une violence que je ne connais pas, que je ne comprends pas parce que je n’en ai aucune expérience, aucune maîtrise. Hier mon frère a hurlé, m’a tellement mal parlé que oui, j’en tremble, j’en attrape des spasmes, je n’entends plus rien, je suis blessée, je m’en vais et je me réfugie chez une amie. Et je préfère, je continue à croire au refus de la violence physique envers l’autre, je veux des réglements pacifiques et de la douceur et des protections ; ce n’est pas une fuite, ce n’est pas une dissimulation de la réalité, je sais aussi prendre sur moi ; je suis quand même la seule à suivre les garçons dans leurs luttes, à essayer de comprendre ce besoin d’exposition et de mise en danger, le corps masculin dans le monde, le grand défi permanent, sentir son corps exister, les coups marquant la chair donnant une consistance. Je les ramasse en miettes, et ça leur est égal. Je vais acheter du steryl-strip à la pharmacie, mais me demander pardon de tant de violence, ça ne leur vient jamais à l’esprit.

lundi 19 juillet 2010

La nuit dans un château moyenageux, entre Tours et Blois, je ne sais pas exactement où. J’ai bu trop de vodka, des shots enfilés avec du citron, j’ai un châle en cachemire sur les épaules et j’écris, je fume, j’ai l’alcool triste ce soir. Je ne sais pas dire pourquoi. Les histoires impossibles avec Nico, assez que l’on me reproche ma demande envers les autres, mon attention pour eux. Chaque pas vers eux, c’est ma mise en danger avancée. Je fuis ma solitude en sollicitant des personnes qui ne comprennent pas mon attente.

Ce soir je ne voudrais pas être seule, je voudrais ses bras autour de moi. Dormir contre son épaule. Rien d’autre. Je trouve des repères chez les soeurs d’écriture, les frères de sensibilité rare, je suis bouleversée aussi soudain de la violence des sentiments de sa douleur à elle de ces non-dits ; communication par blogs interposés, ce n’est jamais sain.

Oh et puis bon, vodka ou pas vodka, je suis amoureuse, hein.

dimanche 18 juillet 2010

Aux Feuillantines

Mes deux frères et moi, nous étions tout enfants.
Notre mère disait: jouez, mais je défends
Qu'on marche dans les fleurs et qu'on monte aux échelles.

Abel était l'aîné, j'étais le plus petit.
Nous mangions notre pain de si bon appétit,
Que les femmes riaient quand nous passions près d'elles.

Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d'une armoire un livre inaccessible.

Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fimes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une Bible.

Ce vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!

Nous l'ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux,
Et dès le premier mot il nous parut si doux
Qu'oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire.

Nous lûmes tous les trois ainsi, tout le matin,
Joseph, Ruth et Booz, le bon Samaritain,
Et, toujours plus charmés, le soir nous le relûmes.

Tels des enfants, s'ils ont pris un oiseau des cieux,
S'appellent en riant et s'étonnent, joyeux,
De sentir dans leur main la douceur de ses plumes.

jeudi 15 juillet 2010

J’ai rouvert le plus beau livre du monde, rempli d’ironie et de cynisme, ces futurs morts, ces amants qui rient de leurs belles dents blanches et ne savent pas qu’ils seront bientôt six pieds sous terre, mais si, Solal le sait. Les délires d’Ariane dans son bain, la libération que procurent ses flux de paroles, le bain un peu plus chaud, l’hystérie, les baisers de Varvara, Solal repoussé et désiré.

Comme un étendard – je promène Belle du Seigneur partout dans Paris. Ce soir dans l’amphi où j’avais l’habitude d’aller chaque mercredi il y a deux ans, la compagnie de Margault jouait Huit femmes et je n’en revenais pas, il y a quatre ans au lycée Margault disait qu’un jour elle serait sur scène ou bien derrière, qu’elle accompagnerait des artistes et qu’Avignon lui ouvrirait ses portes. Ce soir c’est une belle pièce qu’offre la compagnie « Dans le ventre », ce sont des comédiennes parfaites et enthousiasmantes, c’est un travail approfondi et abouti, c’est une envie de donner vie, d’aller plus en avant, c’est une grande énergie de seize femmes réunies sur une scène, c’est effectivement quelque chose qui vient du ventre.

J’étais fière, si fière, tellement fière de son travail, de sa passion réalisée – cet été ce sera le Off à Avignon – j’avais une envie folle de rire de pleurer d’avoir retrouvé Margault, son sourire sa confiance ses joues où je pose des bisous, j’étais à bout épuisée trop peu de sommeil ces dernières nuits je suis un peu amoureuse aussi je crois et les garçon ne me quittent pas, je voulais pleurer pour me sentir mieux mais je voulais rire aussi, j’ai eu un sourire idiot accroché sur le visage tout au long du retour, de Censier à Sèvres Babylone, Paris la nuit la pluie fine, Belle du seigneur toujours à la main et les pages mouillées, j’ai marché longtemps et j’ai fumé pour me sentir partir parce que je n’avais pas mangé, j’aurais voulu boire ne jamais rentrer partir oublier dormir, mais il ne faut pas fermer les yeux, il faut affronter, pas en ce moment le grand sommeil ouaté, je vais bien je crois malgré les exposés la fatigue les garçons qui se dérobent, j’ai une envie de rire qui ne s’arrête pas et ce soir je marchais, je pensais aux amants à Ariane d’Auble aux amitiés plus rassurantes toujours que quoi que ce soit d’autre, je n’ai pas appelé Antoine alors que – je suis passée devant le cinéma Action des Ecoles toutes les brasseries de la rue où j’ai déjà déjeuné avec Margault, Ophélie, j’avais rencontré aussi Sandra totalement par hasard devant le Grand Action et nous avions vu Mort à Venise la salle était gelée elle avait posé une grande écharpe sur moi.

Sur le boulevard Saint Germain, mi-chemin entre Odéon et Mabillon, un vieux monsieur me regarde avancer, je suis habillée so british very Burberry indeed, les yeux cernés les cheveux humides mais je crois que je souris toujours et le très vieux bonhomme me dit que je suis très jolie et moi je pense à Ariane « je veux être heureuse mais quand on est jolie comme toi on doit être heureuse à quoi ça me sert d’être jolie je ne sers à rien je rêvasse c’est tout oh tout le temps se raconter des histoires pas vraies ». Un jour A a dit que j’étais belle et intelligente et alors quoi je devrais me contenter de ça, est-ce que ça rend heureux d’entendre des choses idiotes comme ça, mais non ça ne fait que renforcer le décalage entre ces mots et ce qui n’arrive pas, je ne veux pas être jolie je veux être aimée, en ce moment indépendance fierté féminité assumées même derrière mes pulls informes je marche avec une arrogance à gifler la tête redressée et j’ai l’air de me foutre éperdument du monde entier, je suis seule et heureuse, Belle du seigneur avec moi et mes histoires pas vraies mon monde inventé les repères que je trouve à Paris ma ville retrouvée le métro ligne 13 minuit je me sens protégée, mais parfois, parfois quand les pleurs dans la gorge quand je marche sans m’arrêter quand je ne veux pas rentrer quand savoir qu’il habite à deux pas quand besoin de ses bras – je voudrais que quelqu’un soit là. Dire que tout ira bien, que la nuit effacera les pleurs que l’euphorie ne me donnera pas la gueule de bois demain matin mais seulement des cernes plus profondes. A jouer les femmes libres indépendantes fières folles femmes j’éloigne de moi les protections que pourtant je réclame.

lundi 12 juillet 2010

Ok I should be working right now. I mean school work – not reading Camus or watching Dailymotion.
Mais enfin j’ai retrouvé cet enthousiasme, cette volonté d’être en vie, d’être au monde, de recevoir le soleil, les regards. Milieu de la nuit je me lève dans cinq heures et je lis mille choses à la fois – quelle importance puisque j’ai simplement retrouvé de l’intérêt pour les cours, les lectures, les chansons par centaines (iTunes mode aléatoire), les discussions interminables dans le jardin ou en buvant des cocas. Dans ma tête plus un seul garçon obsédant, l’alliance reformée avec mon frère, mes belles amies fières, fortes, heureuses, et Paris qui se donne comme le dos cambré de ceux qu’on aime. J’ai à peu près la plus belle vie du monde, et ça suffit un peu de s’enfermer parce qu’on sait que tout se résume à l’absurdité ; quand les problèmes des autres sont réellement graves, il faut aussi savoir se la fermer, et penser : je suis en bonne santé, j’ai vingt-et-un ans, j’évolue tranquillement dans mes études et je suis parfaitement entourée. So let’s be happy and move on.
Et soudain je me sens mieux. L’énergie retrouvée, les rires, l’ignorance de ceux qui rendent les situations trop compliquées, l’enthousiasme fou. J’ai confiance – le plus beau est à venir – encore une fois.

jeudi 8 juillet 2010

Bien sûr que j’ai toujours été trop sensible. Trop aimé, trop détesté, trop vite, trop fort, trop longtemps. Je continue à rire avec trop d’exubérance, à pleurer trop souvent, à réagir trop impulsivement. Et même si certains me considèrent comme folle, ou égoïste, ou excessive, j’ai déjà dit et écrit ailleurs que je ne remettrai jamais en cause cette ultrasensibilité. Parce que c’est parfois une force, et souvent une richesse de sensations à laquelle tout le monde ne prétendra pas.
Bien sûr j’ai aussi toujours adoré les types ultrasensibles. Ceux qui ont une folie proche de la mienne, des réactions aussi impulsives et emportées, ceux qui réfléchissent après coup, après que le corps a dicté le geste, après que le mal est fait quand parfois les choses n’arrivent pas comme on les aurait voulues – mais on n’y peut rien, c’est le corps qui l’a emporté.
Mon frère a lui aussi cette sensibilité – même s’il y fait moins attention, la cache et la minimise. Ma soeur non, je ne crois pas. Mon frère peut réagir à l’emporte-pièce, ne surtout pas réfléchir à après, et tomber amoureux, et envoyer une droite à un type qui n’a rien demandé, et me tenir serrée entre ses bras lorsque je ne retiens plus rien – visage mouillé, tête enfouie contre sa poitrine. Si je crois qu’il ne comprend rien parfois, parce que nos trois années de différence se ressentent, je sais aussi que cette sensibilité-là nous réunit.
Et bien sûr, si je tiens tant à A., c’est parce que mon frère et lui sont identiques, c’est parce que j’ai toujours retrouvé en A. la sensibilité jumelle, la folie des actes impulsifs, les idées dingues que l’on peut se mettre en tête, et l’égoïsme qui empêche de se mettre deux minutes dans la peau de l’autre. A. mon frère de sensibilité, bien sûr, tout le monde sait ça, et lui qui me le reproche, me traite de folle, parce qu’il se sait atteint de la même ultrasensibilité. Le mur qui se dresse aussi entre nous quand aucun ne veut céder, reconnaître l’erreur, tempérer son caractère.

dimanche 4 juillet 2010

A force de me mettre en avant auprès des autres, à force de chercher à les protéger, à force d’intervenir dans leurs vies pour échapper à la mienne qui se casse la gueule, j’en ai trop fait. Surexposition. Ma seule solution a toujours été de donner davantage, de me tourner encore plus vers les autres, pour m’oublier. Alors que pour oublier, Laure avait peut-être raison cet après-midi, il n’y a que boire ou dormir.
Je ne peux pas me nier en attendant que la douleur passe. Je croyais avoir touché le bout, commencé à me sentir mieux – et puis non, il y a toujours pire, il y a toujours une vague plus forte derrière, et j’ai été entraînée encore plus loin – je n’en reviens plus. Mais la seule confiance à avoir, c’est en soi, c’est la peau qui tremble, le corps qui palpite, les muscles qui se tendent et les lèvres qui frémissent. Guillaume m’a prise dans ses bras tout à l’heure. Depuis deux ans j’attendais que mon frère ose me tenir contre lui, mes larmes qui ont mouillé son t-shirt, ses mains qui passaient sans cesse sur ma nuque. Et la peau douce de ma jument, elle aussi folle que moi ce soir, elle m’a retournée mais pendant deux heures je n’ai eu qu’elle en tête, dans mes mains, entre mes jambes. Certains refuges ne s’effacent pas, et encore heureux.